En effet, elle s'inscrit dans la continuité d'une vingtaine d'années de recherche historique visant à montrer le caractère construit de la nation. Thiesse adopte une démarche fondée essentiellement sur une histoire culturelle et idéale (avec Miroslav Hroch), offrant un contre-point à l'approche de Gellner.
Elle montre comment, en s'opposant à la culture classique française dominante au XVIIIème siècle, des intellectuels et petits groupes de militants en sont venus à mettre en avant des racines "barbares" contre l'Antiquité romaine, à prôner la langue et l'origine contre l'universalisme du rationalisme des lumières. Par un phénomène mimétique, toutes les nations - y compris la France elle-même - en sont venues à adopter cette nouvelle vision des origines.
Le livre de Thiesse est d'une redoutable érudition, et a le mérite d'une étude comparative précise des créations culturelles nationalistes dans l'Europe entière, offrant un panorama allant des Balkans à l'Europe baltique, sans oublier la France et l'Angleterre.
Mais elle pèche aussi par son érudition : le livre est peu enthousiasmant et ressemble parfois à un inventaire, davantage qu'à une thèse argumentée. Elle est de plus desservie par un style inexistant, si tant est que qu'il existe une telle chose.
A prendre comme un bon manuel, pour ceux qui s'intéressent à la création culturelle des identités nationales. Pour ceux qui recherchent un livre d'histoire stimulant, à feuilleter avant de se coucher, c'est pas le must.
En résumé, peu innovant, pas passionnant, mais néanmoins très complet.
PS : Anne-Marie Thiesse, vue en conférence.
Elle se révèle excellente pédagogue, précise, efficace. Une femme remarquable, qui reconnait sa dette envers Gellner et Anderson.