Peter Stamm ne fait pas partie de ces auteurs qui tiennent leurs lecteurs en laisse ou en otage, comprenez par là qu'il n'impose pas une intrigue mais qu'il la conduit avec un certain flou qui autorise plusieurs interprétations et suscite avant tout la réflexion. Depuis L'un l'autre, l'auteur suisse semble avoir ajouté une nouvelle nuance à sa palette, jusqu'alors assez mélancolique et grave, celle du fantastique. Il serait d'ailleurs difficile de donner un résumé fidèle de La douce indifférence du monde tant cette histoire semble prendre constamment des échappatoires, au large du réalisme. Il y est question d'un homme, jamais remis d'une rupture amoureuse avec une comédienne, qui croit la reconnaître sous les traits d'une jeune femme, 20 ans plus tard. Ce n'est qu'un des aspects d'un récit où la notion de double se multiplie et où le narrateur (écrivain d'un seul livre) se demande si la vie qu'il croyait être la sienne se joue à nouveau avec d'autres personnages et même si l'a vraiment vécue, cette existence. Et si tout le livre n'était que la divagation d'un vieil homme ? Au jeu des si, le lecteur ne peut qu'éprouver un vertige délicieux que le style toujours aussi élégant de Stamm rehausse encore. Contrairement à la plupart des romans qui méritent d'être lus en plusieurs fois, pour les laisser infuser, La douce indifférence du monde doit se dévorer de bout en bout sans interruption pour s'imprégner du caractère très particulier de son onirisme et de son inaltérable tristesse. C'est ensuite que vient le temps de l'assimilation et d'une herméneutique spécifique à chaque lecteur. En définitive, une seule chose est évidente, Peter Stamm est un grand écrivain.

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le 17 sept. 2018

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