Talent corrompu par les délires francs-maçons

Oui oui je ne plaisante pas avec ce titre. Quelle déception ! On a beau se sentir léger en fermant ce livre plein de douces aventures enchanteresses, on se dit qu’on a trop lu trop vite car manifestement on a pas tout compris. Alors on relit certains passages, on s’interroge sur tous ces symboles qu’on ne saisit pas, on fait des recherches sur internet et …
Par suspicion je tape sur internet « Charles Nodier franc-maçon », oui il l’est bien. Jusque là après tout, rien de négatifs.
Je tombe aussi sur le site « persée » sur un extrait d’un livre « La reine de Saba et Franc-maçonnerie » qui traite en grande partie de ce roman et là tout se confirme, c’est véritablement une condensation de symboles et de quêtes liés à la franc-maçonnerie au travers d’un roman.
 Après tout, pourquoi pas si le roman tient la route ? Oui mais nan justement, d’un point de vue logique, personne ne peut comprendre ce roman si vous n’avez pas les références, et des références il y en a plusieurs mais c’est bien la franc-maçonnerie qui prédomine.


Sous le caractère gai et joyeux des contes et légendes autour de fées, s’y mêle en marge la Reine de Saba et Salomon, les légendes autour de la mandragore, l’archange Michel (Le prénom du personnage principal, la ville de Saint-Michel présente plusieurs fois et le départ du navire de la Rene de Saba le jour de la Saint-Michel…) qui est l’un des archanges majeurs que l’on retrouve dans la religion chrétienne, le judaïsme, l’islam et… de façon non surprenante, c’est aussi une figure importante dans la franc-maçonnerie.
Et ajoutez à ce fatras tout un tas d’épreuves représentant cette espèce de quête initiatique de franc-maçon incarnée au travers de Michel, l’apprenti franc-maçon. C’est d’une lourdeur !


Les personnages sont attachants au moins, ce qui est rare.
Tout le long du roman, Michel sera un élu sans le savoir qui sera tourmenté du début à la fin par cette fée qui semble bienveillante et sage mais qui va lui tendre plein d’épreuves. Pauvre Michel ! Il est pourtant déjà irréprochable, cet humble charpentier, si simple et si instruit, si rêveur et si laborieux. Ce petit chérubin inspire une passion à la fée aux miettes, charmante petite vieille à taille svelte et d’une étonnante agilité. Subtilité avec cette fée, rien n’est directement surnaturel, on le sent, cela flotte dans l’air mais on ne le trouve pas. Cette fée est paradoxalement méprisée sauf par les enfants, elle est vieille, on dit même que c’est une « mendiante » qui couche sous le porche de l’église. Drôle de fée en somme.
Faute de servir à quelque chose et de nous étonner avec ses pouvoirs magiques, elle utilise ses rares dons pour embêter ce pauvre Michel.


Elle teste d’abord son sens du sacrifice, de la générosité quand Michel lui donne quasiment toutes ses économies pour que la Fée reparte vivre à Greenock, son village d’origine. Sauf que c’était une farce, elle n’utilise pas l’argent et continue de le suivre discrètement. Un beau jour, tandis que Michel pêche les moules près du Mont Saint-Michel, la fée s’enlise volontairement dans le sable, pousse quelques cris, et se fait sauver par Michel. Au lieu de le remercier, elle se montre sévère quand Michel lui demande pourquoi la fée n’est pas à Greenock grâce à l’argent qu’il lui avait donné, la fée en colère invente une histoire bidon bien gobée par Michel et puis comme ça là tout de suite après le demande en mariage.
Michel consent qu’une promesse de mariage qu’il acceptera uniquement quand il aura 21 ans, pensant être trop jeune pour s’engager dès à présent. Dite-vous que sortir de l’enlisement dans le sable (plongée dans la matière, l’épreuve de la Terre), pour les francs-maçons c’est sortir du moule préconçu par la société en apprenant à se connaitre soi-même (enfin je crois...)


Michel dans sa plus grande bonté, lui redonne une somme très importante pour repartir à Greenock. La fée accepte et s’impressionne de la ferveur inébranlable du Michel. Une fois encore, Michel sera suivi en cachette par la fée et au cours d’une expédition en bateau, se cache dans un sac et fait en sorte d’être sauvée par Michel en pleine tempête. Le bateau dérive par miracle également à Greenock, le fameux village de la fée en Ecosse. Deuxième épreuve maçonnique avec l’eau, image pour « traverser ses eaux intérieures » pour mieux connaitre son potentiel.


Alors que Michel prospère convenablement à Greenock malgré les railleries de ses compagnons de chantier qui se moquent de ses délires avec la fée dont il parle de temps en temps ou son air rêveur, la fée lui ramène un bateau, un super bateau fait pour la Reine de Saba destiné à naviguer jusqu’à un désert lointain en Libye pour faire je ne sais pas quoi. En réalité, derrière la Reine de Saba se cache la fée aux miettes, aussi appelée Belkiss et Belkiss est synonyme de la Reine de Saba… Ce bateau attire les regards, notamment de Michel qui veut s’embarquer la dedans.


Michel dort dans une auberge la veille de son départ dans ce mystérieux bateau, mais tua, dans un état de somnambulisme un étrange homme qui dormait à côté de lui. Ce chapitre est encore bourré de symboles que je ne sais déchiffrer. Quoi qu’il en soit après cette nuit, Michel est condamné à mort mais pourra être sauvé (de la condamnation judiciaire), selon la coutume écossaise, si une femme se propose au dernier moment de se marier avec le condamné. En bon niais qui se respecte, Michel refuse la proposition de mariage d’une jeune et belle écossaise ! Son incroyable fidélité à sa promesse initiale de mariage à la fée est immédiatement remarquée par la fée elle-même, qui sort de nulle part, toute contente et se marie avec Michel, qui donc est sauvé. C’était encore une épreuve et un test de la fée et bien sûr, là encore, il y avait 10 symboles avec des niaiseries philosophiques mais cela m’échappe, je suis pas expert du tout en franc-maçonnerie. Toute cette parenthèse a empêché Michel de poursuivre son voyage sur le bateau de la Reine de Saba dont on parlait un peu plus haut. Ce bateau reviendra de temps en temps dans le roman, mais je n’ai aucunement compris sa symbolique.


Les deux mariés s'établissent dans un charmante maisonnette de fée au cadre idyllique. Tout semble parfait, que demander de plus ? De l’argent voyons ! La nature, la petite maison… nan mais ! C’est trop champêtre, ajoutons y de l’argent et du pouvoir ! C’est ici que la fée se souvient inopinément qu’elle est en fait une riche héritière et réclame ainsi d’immenses rentes. Les voilà riches. Michel est assommé de cet argent dont il ne sait que faire, mais la fée lui tend bien des insinuations. Elle l’incite à user de son argent pour entrer dans la sphère politique, elle lui dit qu’il sera plus utile comme ça qu’à rester un vulgaire et incompris charpentier doux rêveur. Mais notre bon Michel résiste aux tentations et maintient fermement sa volonté d’être charpentier, il va juste utiliser son argent pour aider quelquefois ses proches et puis c’est tout.


Détail récurrent, le soir la vieille fée se transforme en Belkiss, jeune et grande fée aux beaux cheveux et très sensuelle, qui se matérialise aussi le jour dans un médaillon que porte Michel en permanence. Michel aimerait avoir cette jeune Belkiss avec la même drôle de personnalité de la fée aux miettes, mais il lui faut se contenter de voir la jeune fée le soir dans ses rêves uniquement. A vous d’y voir le détail symbolique, à moins que ce soit juste une petite touche de fantaisie pour reposer le lecteur, mais j’en doute.


Qu’est ce que peut donc encore inventer la fée pour nuire à ce beau coeur incorruptible ? Oh bah rien de spécial, en autres discussions où elle lui apprend par exemple qu’elle à 99 soeurs (oui 99 soeurs), elle lui dit aussi qu’elle va mourir dans 6 mois si Michel ne lui rapporte pas le « spécifique » à savoir la mandragore qui chante. Evidemment, Michel va donc consacrer les prochains mois à rechercher éperdument cette mandragore, mais la fée le rassure ! Il suffit de l’aimer sans discontinuité jusqu’au dernier jour des 6 mois et Paf ! La mandragore apparaitra forcément, au plus tard le dernier jour de la date limite.
Epreuve ratée hélas à la toute dernière étape ! Quel dommage ! D’autant plus dommage qu’en bon candide ne se méfiant de rien, il dit à tout hasard aux passants « n’auriez-vous pas vu une mandragore qui chante ? » Ce qui ne manque pas bien sûr d’attirer l’attention si bien qu’il est placé immédiatement et définitivement dans un hospice de fou. Au sein de la franc-maçonnerie, rechercher la mandragore, c’est une quête d’immortalité, voilà, débrouillez-vous pour en tirer les conclusions supra-philosophiques mais c’est censé être ça.


Triste fin donc pour ce Michel, dont l’amour ne décroîtra pas, qui se retrouve inexorablement dans l’asile des fous et qui reçoit la visite de petits curieux qui viennent l’observer comme dans un zoo. Le dernier chapitre fait écho aux premiers chapitres qui commence justement par l’asile de fou où l’on croise Michel qui ensuite raconte au visiteur sa malheureuse histoire du début jusqu’à la fin.


Au-delà de toutes ses péripéties symboliques que je n’apprécie pas personnellement, on est charmé tout de même par les personnalités respectives de la fée et de Michel. La fée a toujours cette attitude de souveraine divine qui sait ce qu’elle dit en parfaite conscience, cette espèce d’autorité personnelle assez marquée et cette tendance à manipuler et à jouer de ses émotions qui en fait un personnage amusant. On est attendrit par ce pauvre Michel qui a tant de sagesse et de coeur et qui a pour seule faiblesse son coté candide à l’extrême. On aime aussi les discussions entre Michel et la fée par ses rhétoriques autour du sens de la vie. Bref, des personnages profonds, c’est toujours agréable.


Toujours est-il ces milliards de symboles francs-maçons pourrissent absolument tout. Charles Nodier a bien assez de talent pour se passer des artifices francs-maçons, il aurait pu se contenter d’un conte de fées pour adultes avec des mandragores et une morale ou toute autre message, peu importe, c’était bien suffisant. Le plat est bien trop épicé de ces petites symboliques qui envahissent le tout.

EtienneBernard1
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le 29 déc. 2021

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Etienne Bernard

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