Pas si facile de lire ce roman. Et pourtant, c'est un des livres où Genevoix se livre un peu, peut-être, sur le tard, à presque 80 ans. Et pourtant, ce roman m'a fasciné. Comme un conte dont on admet d'avance qu'il y a une part de rêve et une part de mystère.

Genevoix a eu aimé la chasse. Mais c'était avant la guerre. Après, Genevoix sera obsédé par cette tuerie d'hommes dont la mort ressemble à la mort des bêtes. Je crois que c'est lui qui a écrit (je n'arrive plus à trouver la référence, peut-être dans "Ceux de 14" ou "Les Eparges") que l'ombre de la mort dans l'œil du gibier ressemble à celle qu'on peut observer dans l'œil de l'homme.

Il n'empêche que le roman "La Forêt perdue" repose sur une histoire où la chasse joue un rôle prépondérant. Même si le roman dépasse et transcende la signification de la chasse.

D'abord, il y a dans ce roman un contexte qui confine à la mythologie ou même à la magie.

Genevoix a placé son roman au cœur de la Sologne, région qu'il connait bien où il s'est rapidement réfugié après la guerre (comme le fit Raboliot, d'ailleurs, pour y vivre en homme libre…). La nécessité vitale d'y retrouver ses racines qu'il n'aurait jamais dû quitter. Dans le roman, la Nature tient un rôle prépondérant. Genevoix a placé son roman au cœur de la Sologne, disais-je, dans une époque intemporelle qui ressemble à un Moyen Âge profond à l'écart du reste du monde.

Tout tourne autour des personnages suivants : le vieux seigneur Abdon, son fils Bonavent, le "piqueux" La Brisée, ami d'enfance de Bonavent dont le rôle est de s'occuper de la meute puis Florie, la fille de Bonavent. Mais il me faut rectifier tout de suite cette liste. Tous ces gens tournent autour du personnage principal du roman qui est la proche Forêt impénétrable. Ce personnage se matérialise sous l'aspect d'un homme Waudru ou d'un animal, le Cerf, "la Bête".

Waudru ? Un être mystérieux, "rougi de hâle comme la brique au soleil", défenseur de la forêt et des êtres qui l'habitent. Ce Waudru croise le chemin d'Abdon, de Bonavent puis de Florie à des moments fatidiques pour tenter de protéger certains animaux, pour faire remettre à l'eau une truite qu'un "galopin" a pêchée dans la rivière qui serpente dans la forêt, en bref, pour empêcher les trois personnages de pénétrer au cœur de la forêt et de la tuer.

- Grand-père, comment est-il le vieux Waudru ?

- Juste comme il sera, petite fille, le jour où tu le rencontreras.

- Que veux-tu dire ?

- Selon ce que tu seras toi-même ; selon ton cœur de ce jour-là.

Abdon abandonnera la chasse et la volonté de "percer" le secret de la forêt … : pour qu'il y ait un monde sans hommes, sans armes d'hommes. Tandis que Bonavent, son fils, passera outre Waudru pour tenter d'atteindre le cœur de la forêt au péril de sa vie. Ce ne sera qu'à la troisième génération, que Florie, un temps, tentée par la vengeance, décidera enfin de laisser "le Cerf mourir de sa belle mort".

Il me plait de voir dans ce livre une part d'utopie pacifiste que laisse filtrer Genevoix comme une lointaine réponse aux tueries auxquelles il a assisté et dont l'homme est si friand dans sa vanité d'atteindre ou de posséder.

Pas si facile de lire ce roman, disais-je au début. Car Genevoix, pour mieux inscrire son roman dans des temps reculés, utilise un langage volontairement suranné, en utilisant un vocabulaire et des tournures anciens ou tout simplement utilisé dans la vénerie. L'usage du dictionnaire est presque obligatoire à portée de main (à défaut, Google…).

Ce n'est pas le moindre charme de ce roman puissant qui ne cesse de laisser le lecteur rêveur.

JeanG55
8
Écrit par

Créée

le 7 juin 2024

Critique lue 13 fois

2 j'aime

4 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 13 fois

2
4

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

22 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5