Si l'on avait à résumer ce roman, l'on réitèrerait la tragique histoire de Roméo et Juliette.
Roméo et Juliette dans un monde futuriste où la politique américaine trompe l'opinion publique pour transformer ses victimes en coupables et se permettre dans le même temps de tracer une grosse croix rouge baveux sur l'abolition de l'esclavage pour se mettre à revivre au temps des champs de coton ou l'âge de la Rome antique.
En un mot, les amours impossibles entre un esclave, Kagan Közul et Sarah Perrot, une fille de bonne famille. Ces amours et leurs conséquences.
Mais on ne peut réduire ce livre à ce résumé alléchant mais simpliste.
D'abord, parce que définir, c'est réduire, comme dirait Oscar.
Ensuite, parce que La Loi de Gaïa est bien plus complexe que cela.
Caroline Giraud, qui s'est illustrée de façon éclatante dans le roman épistolaire Si la parole était d'or, lance son récit par la fin.
Le lecteur, qui ne sait encore rien, entend penser un Je non identifié qui rencontre un certain Milian qui a fait du mal à l'un de ses êtres chers. Ce Je s'avère Sarah. Point. Passage au chapitre suivant où un autre Je nous conte sa condition d'esclave chez les Perrot dont la fille revient. Cette fille, c'est Sarah. Le nouveau Je s'avère être Kagan. L'ensemble du roman alterne les pensées de Sarah et les témoignages de Kagan, le temps des conséquences et le temps de la naissance de l'amour.
Cet ingénieux transfert d'un temps à l'autre permet à l'auteure de présenter des événements, des personnages aux motivations et rapports divergents selon les époques. Les bons deviennent les mauvais. Les haines deviennent amours, les amours deviennent haines. Les couples se métamorphosent devant nos yeux ébahis. Les noms des uns s'avèrent l'écho tragique de noms d'autres, disparus. Les coupables ne sont plus ceux que l'on croit. La paix originelle devient désordre et terrorisme - incroyablement visionnaire puisque le roman a été pensé et écrit avant les attentats parisiens décrit des attentats très proches de ce qu'a vécu la France ces derniers temps.
Entre science-fiction, romance et policier, le roman fait fondre les frontières du Bien et du Mal pour mettre en scène un monde non pas grisâtre mais en sempiternel bouleversement, où rien ne sera jamais sûr et certain.
Seul défaut peut-être, une fin un peu longue et dans la redite de choses déjà implicitement comprises par le lecteur. Il eût fallu conserver ce hors-texte ou le placer ailleurs.
Du moins l'auteure confirme-t-elle son don dans l'art de mener une intrigue, de perdre son lecteur plus pour lui livrer une histoire mûrie que pour se borner à le surprendre.
Un excellent roman à lire sans délai.