Parce qu’il aime la vie, Al Barnes a quitté Seattle où il travaillait dans la police en tant qu’inspecteur spécialisé dans les homicides. Barnes la Tendresse, comme ont pris l’habitude de le surnommer amicalement ses collègues, en raison de sa propension à l’indulgence et à la gentillesse, n’était pourtant pas un mauvais flic. Mais, son tempérament débonnaire a failli lui coûter la vie lorsqu’un petit vieux lui a logé trois balles dans la carcasse.
Après une pénible convalescence, Barnes a rendu sans regret son insigne et il a pris la route, direction les États du Nord-Ouest. Pour autant, il lui faut encore gagner de quoi subvenir à ses besoins. Une question se pose. Peut-on faire autre chose lorsqu’on a été flic ? Il faut croire que non car lorsqu’il découvre sa terre promise au Montana, Barnes postule rapidement au poste de shérif adjoint dans la petite ville de Plains. A sa décharge, la petite communauté est tout, sauf agitée. Quelques bagarres d’ivrognes, une jeunesse parfois remuante et des excès de vitesse à réprimer. Et surtout, le calme des grands espaces, des rivières et des lacs poissonneux, des concitoyens rudes mais amicaux et une femme merveilleuse. En somme, la belle vie, après dix-sept années de galère urbaine. Hélas un matin, on retrouve le cadavre d’un pêcheur, le crâne en charpie. Un témoin confie avoir vu une grande femme aux cheveux gris, armée d’une hache, courir la forêt à proximité du lieu du crime. En tant qu’ancien inspecteur chargé des homicides, c’est à Barnes qu’échoie l’enquête. De quoi lui gâcher la joie de vivre. De quoi pester contre la fatalité l’obligeant à côtoyer la mort. Et ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il va en déterrer des cadavres.
Les titres de roman ne se bousculent pas dans la bibliographie de Richard Hugo, autrement plus fertile en recueils de poèmes et en essais sur la poésie. Lorsqu’il écrit son premier roman, Hugo choisit d’exprimer sa passion secrète : le roman policier. Fou de Chandler, d’Hammett, de Ross McDonald, mais aussi de John D. MacDonald et James M. Cain, il nourrit depuis longtemps l’ambition d’écrire un polar, un vœu exaucé sur le tard.
Coup d’essai et coup de maître, car même si La mort et la belle vie rate le prix Pulitzer, le livre ne manque pas de susciter l’adhésion et l’empathie pour le personnage de Barnes la Tendresse. En dépit d’une intrigue classique, de ses prémisses à sa résolution, le roman de Hugo tient le lecteur en haleine jusqu’à son terme.
Toutefois, le véritable point fort de l’histoire demeure le personnage de Barnes la Tendresse. Un type profondément humain, jusque dans ses faiblesses qui le rendent encore plus attachant. Loin des archétypes du roman noir, des logiciens redoutables ou des champions de la déglingue, la personnalité de Barnes se dévoile peu à peu. Celle d’un individu fragile, certes enquêteur tenace, mais doté d’une sensibilité à fleur de peau.
Sincère dans ses amitiés, aimant plus que de raison les femmes, Barnes est un jouisseur invétéré, attaché à sa tranquillité et à la bonne vie. Une philosophie de vie finalement très enviable.
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