vive la liberté

Un jeune espagnol fait le compte rendu de son expérience à Rome ; Il est inquisiteur à Avila et s'en va apprendre les meilleures méthodes à Rome auprès du Vatican.
Nous sommes à la fin du 16ième siècle.
Le voilà à Rome, il est pris de haut par le clergé mais intégré dans le sein des seins. Il va apprendre auprès des meilleurs suivant la tradition orale. Le voilà qui compare alors, avec détails, les méthodes italiennes et espagnoles. Comment on accompagne l'hérétique jusqu'au bout. Comment on le pousse à se rétracter, à se convertir comment il doit s'estimer heureux d'être brulé pour purifier son âme.
C'est fascinant de folie, d'absurdité, et effrayant, glaçant à la fois. Comment peut-on endoctriner à ce point les gens et les maintenir dans cette ignorance. Eux même croient que le danger vient des livres et partent dans des délires où il l'hérétique est partout. Il contamine tout. Page 87: "les tentations de la vie dans le monde ainsi que le poison diabolique qu'est la lettre imprimée... Il faut créer des emplacements entourés de pieux et clôturés de fer sur de grandes surfaces où l'on pourra garder tous ceux qui ne sont peut-être pas hérétiques mais dont on peut à bon droit soupçonner qu'ils le deviendront un jour"
Marai a 70 ans quand il écrit ce livre. Il a quitté la Hongrie depuis longtemps. Il vit entre les Etat-Unis et L'Italie. Il est libre. Ce n'est pas un livre de révolte. Mais il sidère par le poids qu'il donne à cette analyse de la folie administrée qui pourrait être celle de tout totalitarisme, ou de toute secte.
Pendant 150 pages cela se poursuit dans l'absurde et cette folie collective portée par l'ignorance dans laquelle vive ses inquisiteurs est douloureuse à lire.
Mais dans les voyages il faut revenir.
A ce moment le jeune homme réalise qu'il lui manque l'essentiel. La pratique. Il assiste alors aux derniers moments d'un condamné. Giordano Bruno célèbre penseur de son époque et réelle figure. C'est l'aboutissement de la formation mais aussi une épreuve de doute. Le moine "hérétique" refuse tout renoncement malgré la torture, malgré la durée du procès et reste jusqu'au bout fidèle à lui-même. Par là il met en doute le bien fondé de l'inquisition même et sème le doute dans l'esprit du moine. Ce doute se confirme lors de l'entretien final avec le supérieur qui gère l'inquisition.
Celui ci possède tous les ouvrages hérétiques, les connait bien et même si il les combat, les attend. Il aime échanger avec eux. Le totalitarisme est une hypocrisie.
Notre jeune prêtre est pris d'un cas de conscience et sa foi est ébranlée. Il quitte Rome mais ne peut revenir chez lui. Il mène son chemin vers le nord, passe par Florence. Il rencontre des gens qui lui apprennent la vie et termine sa route à Genève, haut lieu du Calvinisme. C'est là qu'il se confesse à son ami resté en Espagne. Il partage son désarroi d'avoir failli et pris un autre chemin loin de l'inquisition. Et de conclure sur son choix p 272 :" Qu'est ce qui est préférable : l'insouciance dans un endroit où on ne peut rien écrire ouvertement ou l'inquiétude dans un autre où l'on peut scribouiller en liberté? Je ne t'envie pas mon frère, toi qui liras ces lignes."