Un accident de chasse. Landreaux Iron, un indien Ojibwe, tue un enfant en tirant sur un cerf. L’enfant s’appelle Dusty, il est le fils de son voisin et ami Peter Ravich. Dusty avait cinq ans. En échange de cette mort donnée accidentellement et suivant une tradition ancestrale, Landreaux offre son plus jeune fils, LaRose, aux parents en deuil. Une décision évidemment lourde de conséquences qui va bouleverser la vie des deux familles.
Franchement j’ai eu peur. Peur d’un torrent de larmes et de mouchoirs à essorer, peur d’une tragédie jouant uniquement sur la corde sensible et les ressorts convenus d'un mélo juste bon à faire pleurer dans les chaumières. Heureusement Louise Erdrich ne cède pas à tant de facilité. Les émotions qu’elle déplie au fil des pages sont complexes, parfois contradictoires, toujours d’une rare finesse. LaRose est le guérisseur, celui qui apaise les âmes en peine, celui qui apporte un rayon de lumière dans les ténèbres. Tout le monde est ravagé par la situation. Les mères en premier lieu, celle de Dusty bien sûr, mais aussi sa propre mère, incapable de supporter la perte de cet enfant qu’on lui arrache. Les pères ne sont pas plus à la fête. Landreaux ne comprend pas comment l’accident a pu avoir lieu et Peter est écartelé entre la pitié pour son ami et une légitime envie de vengeance face au tueur de son fils.
Louise Erdrich ne se contente pas de tisser les relations entre les deux familles. Elle nous renvoie des siècles en arrière, s’attarde sur d’autres indiens que les quatre parents et sur le prêtre se battant chaque jour pour remettre les brebis égarées de la réserve sur le chemin du Seigneur. Elle montre le quotidien souvent sordide d’une population ravagée par l’alcool et les opiacés, elle montre une jeunesse qui se serre les coudes et continue malgré tout à rêver d’avenir. Surtout, elle ne cesse de mettre chacun à l’épreuve, de pousser ses personnages dans leur dernier retranchement, de chercher en chacun d’eux l’étincelle, parfois infime, qui pourra rallumer la flamme de l’espoir.
Un roman splendide, où la colère se drape de dignité, où la douleur ne cesse d’être pudique, où tradition et modernité, passé et présent, se conjuguent à la perfection. Une partition sans la moindre fausse note.