La secrète, qui donne son nom au roman de Hector Abad, est une ferme nichée dans les terres de la région d'Antioquia, au nord-ouest de la Colombie, avec Medellin pour capitale. D'une certaine façon, le livre est celui du pays tout entier depuis la colonisation intérieure, au XIXe siècle, qui rappelle celle des pionniers américains, les indiens en moins, puisque déjà presque totalement décimés. Abad donne à cette saga familiale et rurale une tonalité aussi bien intime, à travers trois monologues qui se succèdent à intervalles réguliers, que historique, embrassant notamment les années de guerre civile, des guérilleros aux paramilitaires. Le procédé narratif fonctionne bien, entre les récits d'un frère exilé aux Etats-Unis et de ces deux soeurs aux caractères dissemblables, l'une plutôt traditionaliste, l'autre plus émancipée et ouverte au monde. Néanmoins, l'auteur n'évite pas les répétitions, les mêmes évènements et l'attachement à La secrète étant contés par ces trois voix à de multiples reprises, sans se soucier de chronologie. Mais le livre fait partie de ceux où l'on se sent bien, nous rendant attentif à chaque bruissement de feuille, aux élans du coeur, à la violence qui surgit en un contraste fort à la quiétude de ce paradis sans cesse menacé. On apprend beaucoup sur le passé de la Colombie et on quitte à regret ses trois personnages principaux, devenus familiers avec leurs doutes, leurs blessures et leurs différences.