Le narrateur est un jeune chômeur de Nottingham envoyé en maison de correction après avoir volé une boulangerie. Le directeur de prison lui propose de sortir pour s'entraîner à la course de fonds de détenus. S'il gagne, il aura une réduction de peine, des débouchés pour être réinsérés, voire devenir une star de la course.
Mais le gars décide de la perdre, par souci d'"honnêteté".
Cette longue nouvelle (ou court roman ?) est découpé en trois parties. La première pose la situation initiale. La seconde est un flashback sur ce qui a amené le narrateur là où il en est - une occasion pour lui de développer auprès du lecteur une distinction qui lui est chère entre les "in-laws", ceux qui rentrent dans le moule de la société, et les "out-laws",, qui ont leur propre définition de l'honnêteté. L'ensemble du roman est présenté comme un monologue intérieur, même si le narrateur prétend écrire ceci d'un jet après avoir été remis en liberté et avoir commis un nouveau larcin, cette fois avec une meilleure connaissance des règles de la bonne société et de comment ne pas se faire prendre en feignant la décence.
Allégorie sociale un peu simple, qui rappellera "On achève bien les chevaux" ou "Le maître-nageur" de Trintignant. La société est une course, et ne donne leur chance qu'aux plus adaptés. L'ignorance crasse et la veulerie du détenu-narrateur est finalement moins basse que celle de l'institution carcérale qui lui tend la carotte de la performance sportive comme rédemption. On l'a compris, l'œuvre de Sillitoe est frappée au coin de la contestation et du mauvais esprit, les braves gens étant représentés, dans l'œil du narrateur, comme des gras-du-bide-aux-gros-yeux. La langue est délibérément pauvre, avec des références au cinéma populaire (Dracula, la SF...), bref on mélange le réalisme social et le "courant de conscience", en refusant (avec quelque affectation ?) tout effet esthétique. Il faut que ça fasse parlé.
Un des points forts, ce sont ces passages où l'on sent que la pensée suit un rythme, celui de la course, avec des sautes de pensées qui sont liées aux sensations immédiates du narrateur (ce qui ne colle pas, encore une fois, avec le postulat narratif d'une écriture a posteriori, même d'une traite). Restent aussi ces moments où le narrateur semble comme suspendu, uniquement absorbé par ses gestes immédiats.
Dans l'ensemble, ce court livre, pas inintéressant, ne changera pas ma vie.