J'ai récemment pu observer Edwy Plenel, interviewé sur BFM TV et LCI par des journalistes plutôt complaisants avec le pouvoir en place, leur tenir tête avec brio et pugnacité. Et puis, j'avais quand même bien kiffé l'histoire des homards géants. Du coup, étant parti en vacances avec un stock de bouquins qui s'est rapidement avéré trop peu fourni, je me suis procuré celui-ci à la librairie du coin. Ce qui ne m'aidera pas forcément beaucoup (je dois encore tenir deux semaines) : il ne comporte que 187 pages et c'est édité en gros caractères; je l'ai ainsi descendu en moins de 24 heures. Mais sans doute aussi parce que c'est un livre intéressant...
Des gilets jaunes en eux-mêmes, il en est finalement assez peu question. La victoire des vaincus est plus un essai, que dis-je un vigoureux pamphlet contre le régime de la cinquième république. En même temps qu'un plaidoyer pour la démocratie. Plenel s'y attaque méthodiquement aux travers de ce régime dont il estime qu'ils sont à la source de la crise sociale que connait actuellement la France : dérive monarchique de la fonction présidentielle, choix politiques systématiquement en faveur des plus riches, voire très aisées, absence de véritables contre-pouvoirs, promotions résultant non pas du mérite mais du cirage de pompes, mensonges d'états répétés et répression policière et judiciaire de l'opposition.
On notera d'ailleurs que, même s'il n'épargne guère l'actuel titulaire de la fonction présidentielle, il examine également le fait que les diverses dérives mentionnées ci-dessus ne sont pas de son seul fait, mais ont commencé à se produire (depuis les années 80) sous les règnes successifs de ses prédécesseurs, toutes étiquettes politiques confondues. Car le regard historique est bel et bien omniprésent dans cette victoire des vaincus : ainsi, le mouvement des gilets jaunes n'y est finalement guère abordé qu'en référence aux principaux soulèvements qu'avait connu la France : 1789, 1848, la Commune et mai 68. C'est bien documenté, et émaillé de citations et de références. Solide et bien argumenté, quoi.
Ecrit avant la fin de l'histoire, puisque le mouvement des gilets jaunes n'est pas terminé, Plenel va tout de même conclure en estimant qu'il y a déjà victoire, puisque dérèglement de l'inexorable calendrier du jupitérien maitre des horloges. Et le fait qu'il considère ce mouvement, pourtant tant décrié par la pensée dominante, comme une opportunité pour la démocratie est plutôt une belle preuve d'ouverture d'esprit de sa part.