La vie parfaite de Silvia Avallone. Connaissant l'auteure depuis son sublime D'acier suivi de Le lynx et Marina Bellezza, il est évident que ce titre contient une certaine dose d'ironie. La totalité de ses personnages y aspirent, bien entendu, tout en avalant à grandes goulées les vicissitudes du quotidien et les insatisfactions d'une vie décevante. La première chose que l'on retient des romans de Silvia Avallone, et dans La vie parfaite plus encore, c'est son extraordinaire capacité à faire exister ses protagonistes, à les faire ressentir jusqu'au frémissement de leur âme meurtrie. On pourrait dire qu'elle excelle dans le mélodrame mais son art transcende le genre dans ce roman bâti sur des fondations solides, dans une choeur vibrant de personnalités différentes qui ont pour point commun de lutter et de ne jamais céder au découragement malgré les déterminismes sociaux. Avec ses deux personnages féminins principaux, Adele et Dora, l'une résidant dans la périphérie de Bologne, l'autre habitant au centre, le livre tourne autour du thème de la maternité. Accidentelle, pour l'adolescente, voulue de façon obsessionnelle pour la femme deux fois plus âgée. La vie parfaite passe par des moments de renoncement et de désolation et, plus brièvement, d'épiphanie et d'exaltation. Agile dans sa construction, âpre et lumineux dans son style, c'est un vrai roman néo-réaliste, emballant de bout en bout, riche de saveurs et d'émotions fortes comme un film d'Ettore Scola. Adele, Dora, Zeno (extraordinaire personnage : voyeur, témoin, consolateur, trait d'union ...), Manuele, Fabio et les autres sont les acteurs inoubliables de cette symphonie humaine, parfois à la lisière du requiem, mais jamais totalement désespérée.