Une plume aiguisée et acérée
A travers des nouvelles soit ancrées dans la vie réelle soit dans un univers décalé, Fabien Pesty nous embarque avec une écriture fluide et efficace pour nous faire passer du rire à l'émotion avec...
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le 3 mai 2014
Au début c’est un carambolage. Aussi métaphorique que matériel. Ya trente-huit tonnes de ferraille, des sacs en plastique et le désagréable sentiment du comme-si-j’y-étais. En pleine face le poids lourd et que valdinguent les fondations à peine établies, tout justes rassurantes, déjà saccagées sans autre forme de procès.
Il y aura procès plus tard, même qu’on y verra le bon Dieu et quelques poules. Patience.
Saccagé disions-nous le cocon menteur qui se voulait havre paisible ou terrain connu, qui n’était que poudre aux yeux.
L’art de la nouvelle vient d’être doucement revisité. Sans totalement trahir ses codes ni oublier ses impondérables mais en les bousculant gentiment, la bonne et franche bourrade qui dit, à sa manière,
« non que je ne te respecte l’ami, mais je n’en ferai qu’à ma tête »
Il y aura quelques accolades, même qu’elles seront des plus viriles, et quelques gouttes de sang. Patience.
Ainsi Fabien Pesty n’en fait qu’à sa tête et c’est jubilatoire. Une jubilation qui, comme tout développement extrême d’ordre sentimental, est absolument communicatrice. Il est rare et précieux de distinguer ainsi, sans qu’il ne s’implique jamais officiellement, le visage passionné du metteur en scène derrière sa caméra, de l’auteur par le biais de ses mots.
Il y a en chacun d’eux, de l’aspirant Remetteur de Plombs au voyageur nez-au-vent en passant par le forain jaloux, un fragment de l’âme de leur géniteur. Jamais de trait-pour-trait, de gribouillage grossier, mal élagué.
Ho il y aura du grossier. Même du vulgaire parfois. Des gens bien mal élevés, des gens qui jurent, des qui font l’amour sans même être mariés, avec et dans la famille, des moments de grande salacité et d’autres de débandade. Patience.
Jamais de facilité, s’il fallait résumer, mais un travail d’orfèvre, du genre qui ne se distingue qu’à l’aune d’un regard attentif. Le temps imparti est bref. Les mots comptés. Il est question d’aller fissa à l’essentiel sans oublier pour autant le décorum, l’habillage véritable qui saura séparer le bon grain de l’ivraie. Alors Fabien Pesty ruse, taille dans la masse sans la moindre pitié, réduit à peau de chagrin ce qui était son canevas ; puis saupoudre méticuleusement de poussière dorée la nouvelle exsangue qui soudain reprend vie, s’anime de mille feux et s’offre la grande gigue communicative précédemment évoquée.
Il y aura quelques danses. Des joyeuses, copulatives, et des plus tristes, nostalgiques. Patience.
Ces détails, ces infimes, ces petits pas-grand-chose sont les piliers de mondes qui naissent pour quelques pages, qui ne font que passer mais qui ne s’oublient pas.
Pas tout à fait pareils, pour de bon différents, une affaire d’artisanat, de petite vis pointue (de petit vice pointu), à l’image de l’univers évanescent du brave Changeur d’Ampoules, ni parallèle ni lointain, à la croisée des chemins.
Comme les souvenirs du pauvre hère, paumé jusqu’à fin Mars, comme ceux de la vieille danseuse...
Ha il y en aura des rêves et même quelques rêveries, une partie de cache-cache et une boîte de cigares, un réfrigérateur, des autos-tamponneuses et un paraplégique… Patience.
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le 17 avr. 2016
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