Dimension de l’espace et du temps

La nuit sans fin! Recueil de nouvelles de Thierry Horguelin, ex-libraire et ex-critique il oeuvre aujourd’hui dans le domaine de l’édition. Son amour pour le cinéma est évident au regard de ses récits. A l’image de ces auteurs qui ont inspiré les réalisateurs par ces histoires courtes et exploitables, Horguelin propose lui aussi un squelette sur lequel la composition d’un scénario complet est possible (on se rappelle Senso de Camillo Boito, ou de L’étrange histoire de Benjamin Button de Francis Scott Fitzgerald).
Alors quel intérêt chez ce québécois expatrié?
L’idée sous-jacente de l’ouvrage réside dans la question de la continuité ou de la discontinuité de l’espace et du temps. Plusieurs théories expliquent ce phénomène autant en psychologie qu’en philosophie naturelle. Qu’est-ce que l’espace et le temps? Certains soutiennent que ce sont des phénomènes extérieurs en tous points à l’être humain, d’autres parlent de contrôle sur celui-ci, d’influence par ou sur l’espace et le temps.
La nuit sans fin s’inscrit dans cette vision d’un temps répétitif dans un espace discontinu où l’incompréhension laisse place aux questions, aux théories, à la réflexion tant sur la trame et son bien fondé que sur la vision que nous avons du temps et de l’espace dans lequel nous nous mouvons. Ce mouvement spatio-temporel que subissent les divers personnage d’Horguelin est-il ne serait-ce que vrai? Ou plutôt physique? Ou est-ce simplement un mouvement de l’esprit, une ‘élucubration’ des esprits déjantés des personnages?
Peut-être la nouvelle qui donne le titre au recueil est la réponse dans laquelle Carter voyage entre les époques, ou plutôt se retrouve à différentes époques. En effet, il n’y a pas de déplacement à proprement parlé, le pauvre se retrouvant systématiquement impuissant face au danger avant de se réveiller en un autre temps, en un autre lieu.
Même si l’argument semble répétitif, c’est l’exploration en soi qui donne tout son intérêt à l’oeuvre par la (dis)continuité du temps et de l’espace, des liens de cause à effet qu’elle engendre, du réalisme que l’on connait aux possibilités que l’on peut supposer. Comme le souffleur dans la nouvelle: Le trou du souffleur, qui s’engouffre dans les méandres d’un espace inconnu en un temps étiré dans la nouvelle mais entre deux secondes dans la réalité du lecteur.
Le temps peut être considéré comme un cycle, une roue qui tourne continuellement, immuable, c’est ainsi que James Cole se retrouva coincé dans L’armée des douze singes de Terry Gilliam. Ce peut être aussi une dimension physique explorée par Christopher Nolan dans Interstellar, ou encore un aller sur place avec La planète des singes. Des X-men à Mamoru Hosoda en passant par Star Trek, Mister Nobody et The Flash, Horguelin se place ainsi parmi ces explorateurs de la dimension spatio-temporelle, ouvrant des portes qui ne demandent qu’à être exploitées plus en profondeur encore.
C’est donc un recueil de nouvelles soulevant certaines questions, au style pour le moins direct. Les portes sont ouvertes, l’imaginaire peut faire son oeuvre, les scénarii peuvent s’écrire.