Lundi 14 septembre 2015 : mon premier cours à la fac, de la macroéconomie. Ainsi, jeune lauréat du bac, un nouvel horizon s'offrait à moi, mais celui-ci demeurait pour le moins trouble. Assis dans l'amphithéâtre, j'ai donc vu arriver un vieux monsieur qui n'avait pas l'air des plus fringants (certes, je juge un peu vite, mais l'avenir m'a donné raison). Le voici donc qui commence à parler, nous présenter son cours et nous fournir la liste des manuels à se procurer... Une chose était dès lors certaine, il ne pourrait pas en contester la source, puisqu'il en était l'auteur. Par conséquent, parmi tous ses livres se trouve celui dont je fais la critique ici. Déjà, pour un essai économique, c'est véritablement bien écrit (et en même temps Poulon est diplômé de lettres). De manière synthétique, ce petit livre décrit et explique les différentes étapes de la pensée de J. M. Keynes. Assez didactique, il me faut tout de même bien reconnaître que j'ai plusieurs fois pensé à mes collègues qui n'avaient pas fait de filière ES et qui, de fait, n'avaient aucune base économique, et certainement encore moins connaissance de la pensée keynésienne : pour ceux-la, la lecture peut-être parfois ardue. Pour le reste, à moins d'être un vrai spécialiste, le livre nous offre énormément d'éléments permettant de comprendre la structure de cette riche pensée, sans oublier son cheminement (car aussi incongru que cela puisse paraître, Keynes a eu une jeunesse imprégnée de « monétarisme », si je devais adopter un vocabulaire anachronique). J'y ai également découvert les combats de JMK contre l'étalon-or, le traité de Versailles (confer la controverse entre Keynes et Bainville) et son attirance, très largement méconnue, pour le protectionnisme. Enfin, si bien-entendu l'ouvrage porte sur Keynes, je voudrais donner la place qu'il mérite au professeur Poulon en citant ces dernières lignes :
La pensée keynésienne, en effet, a un support essentiel : l'État. Sans lui, elle est dénuée de toute portée pratique. Or, là, le pronostic s'assombrit en raison de la désagrégation des États qui déjà s'opère sous nos yeux. Pris dans des rets involontaires ou dans des liens qu'il s'est créés lui-même – qu'il s'agisse de l'étouffante mondialisation ou du carcan européen –, l'État moderne est de plus en plus comme une entité décérébrée sans volonté ni force autre que celle de son inertie. L'État ne défendant plus les intérêts nationaux, la nation se désintéresse de l'État, qui part à la dérive avec ses grands appareils.
Ne tombons pas pour autant dans un pessimisme exagéré. Tout n'est pas détruit. Les nations, parfois endormies, sont encore bien vivantes et, en leur sein, se trouvent beaucoup d'hommes et de femmes de bonne volonté. À eux tous, la pensée économique de Keynes peut encore, espérons-le, apporter une utile lumière.