Lâchons les chiens par Reka
En commençant ce recueil, je n'étais pas plus emballée que ça. J'ai même eu très peur : il faut dire que la première nouvelle est de loin la plus glauque et « effrayante ». En quelques lignes, l'auteur parvient à nous mettre un tel goût de sang dans la bouche que, saisie de vertiges, j'ai bien failli tomber là... Heureusement, cette histoire n'est qu'un dur moment qui cède fort heureusement (pour moi ?) sa place à des récits nettement moins sordides...
N'étant pas amatrice de corpus de nouvelles, j'ai exploré les histoires que proposait l'auteur avec un scepticisme relativement prononcé au départ. Puis j'y ai progressivement adhéré, entr'apercevant toujours plus nettement le talent de l'auteur – indéniable ! – à dresser des portraits très précis (et pourtant presque improbables) en seulement quelques pages...
On trouve dans chacune des nouvelles des protagonistes marginaux, perdus, blessés, revanchards ou désabusés – souvent alcooliques et/ou mentalement déséquilibrés - à qui l'auteur parvient à insuffler une humanité étonnante. Comme l'illustre on ne peut plus justement Bluegrey, les personnages des nouvelles de Brady Udall semblent en attente de quelque chose d'indéfini, comme assis au bord de la vie : c'est probablement cela qui les rend si fragiles et attachants.
J'ai noté aussi la présence d'un humour sardonique, qui m'a occasionné, notamment dans l'extrait ci-dessous, un amusement féroce...
« - Puis-je dire les grâces? demande-t-il pour la troisième fois.
Je renonce à mon discours. Nous baissons la tête et attendons quelques instants. Au lieu de dire une prière, Hugh se contente de prononcer « les grâces » d'une voix tonitruante. » (p. 131)
Je pense que si j'avais déjà mis les pieds en Arizona ou en Utah, la lecture de "Lâchons les chiens" m'aurait été encore plus plaisante, mais j'ai su globalement apprécier, ce recueil excentrique dont émane une humanité palpable et tout à fait surprenante.