Après "Réglez-lui son compte" situé hors du contexte de la seconde guerre mondiale, Frédéric Dard décide pour la seconde aventure de son héros, le commissaire San Antonio, de le faire revenir dans le temps, en pleine occupation allemande. C'est une décision logique, on n'est que cinq ans après la fin de la guerre dont les séquelles sont omniprésentes, et cela permet de construire une aventure typique des romans d'espionnage, qui étaient à la mode en cette époque de suspicion et de méfiance. Malheureusement, entre l'intention et le résultat, l'écart est sévère : l'intrigue de "Laissez Tomber la Fille", passablement ambitieuse, voire même sérieuse pour le coup (embrouillaminis et trahisons autour d'une mystérieuse découverte scientifique que tout le monde convoite) est complètement desservie par la construction très aléatoire des péripéties, par des personnages manquant de consistance, sans même parler de la narration toujours plus soucieuse de bons mots que d'efficacité. Bref, le lecteur décroche rapidement et ne comprend plus rien, sans pour autant trouver son compte - comme ce sera heureusement le cas dans la conséquente œuvre qui suivra - dans l'humour et la décontraction. Il est même surprenant combien Dard s'avère désinvolte dans la description d'une époque qui était pourtant bien présente dans l'esprit de ses lecteurs, entre bons petits gueuletons faisant fi de toute pénurie et incompétence pitoyable des forces d'occupation - et de la Gestapo - auxquelles il semble toujours enfantin d'échapper ! Du coup, terminer ce livre plutôt court relève de la gageure, tant l'ennui le dispute chez le lecteur à l'indifférence... même si on remarquera déjà une progression sensible dans la verve de Dard qui laisse heureusement augurer de jours meilleurs.
[Critique écrite en 2018]