Je ne sais pas trop pourquoi, c'est une règle non écrite, mais le rock fait souvent mauvais ménage avec le polar. Peut-être que la littérature c'est une affaire de sourds. De mots muets.
Un gars qui s'acharne avec force à plaquer avec vigueur des accords sur sa gratte, ça sonne faux. Il a l'air con. Aucun bruit ne sort des lettres.
C'est pourtant, le milieu interlope du rock and roll que Claude Bathany fait sien dans ce bouquin. Le bougre, il arrive presque à déroger à la règle. Ce groupe bancal, Last Exit to Brest, finit par exister, par avoir une âme. Le bouquin plaqué sur l'oreille, j'entends une petite mélodie. Je renifle l'odeur du café dans le bar, le tabac froid et la bière répandue la veille.
Tout irait bien, dans ce petit monde de looser d'ado. qui refusent de vieillir. Si les morts ne s'accumulaient pas dehors. Tout autour. J'ai arrêté de compter, c’est un vrai charnier. C'est l'autre règle non écrite de la littérature, il ne faut pas trop tuer de monde. Sauf dans les romans sur la guerre. Parce que personne n'a assez d'émotion en lui, ni de mouchoirs pour pleurer sur tous ces figurants qui trépassent. Ces héros qui ne finissent pas leur récit et les méchants qui clapsent.
C'est un peu le problème avec les premières œuvres, on veut trop en faire. Des tonnes. La surenchère ne doit pas faire chuter la démographie d'une petite ville comme Brest. Los Angeles, Chicago, Bagdad ou Verdun, je veux bien, mais Brest. Faut pas déconner. Marseille à la rigueur. Que la police soit incompétente, ok, c'est un fait scientifique. Pas au point de laisser faire ça. Tous ces faits divers fictifs qui entrecoupent les chapitres.
Pourtant, ça reste sympathique. Plaisant. Juste un peu plombé par un style ampoulé et ralenti par des métaphores foireuses. "… Sur scène je me liquéfie comme un iceberg qu'on attaquerait au lance-flamme". Au final, on se retrouve avec un héro sympatoche, Alban Le Gall, qui interpelle le lecteur, qui tente de lui faire croire toute à cette histoire complexe, n'arrive souvent qu'à nous mettre dans l'ambiance. On reste assis au comptoir, on n'écoute plus, on se perd dans les détails. Tout devient une musique de fond. C'est déjà ça.