« Trois heures du matin. Le Londres comme il faut est au lit.
C’est l’heure où les statues commencent à grincer, animées de mouvements convulsifs, et descendent de leurs piédestaux recouverts de lichen dans de nuages de poussière de rouille.
Un lord lieutenant de bronze, masque mortuaire en guise de visage. Un vicomte de marbre craquelé aux terrifiants yeux blancs. Un général sur son cheval, gâté par le temps, les fientes de goélands, au galop dans Hyde Park, pour noyer des bébés dans le lac Serpentine, qui filtre à travers les cauchemars de la ville.
Les statues ne reculent devant aucune cruauté. Elles endurent la corrosion des pluies d’indifférence, supportent le passage de millions de passants.
Des gargouilles descendent d’un beffroi, des anges de la mort des mausolées, des christs minuscules de dix mille pierres tombales. Des comtes morts et leurs douairières se lèvent de leur sépulture de granit. Des aigles impériales juchés sur des piliers austères au-devant des palais battent de leurs ailes sculptées dans le ciel de Whitechapel. » (Joseph O’Connor, Le Bal des Ombres , Rivages, 2020. Pp 109-110).