Sordide jusqu'à l'épuisement
Finalement on ne saura rien de plus de Saartjie Baartman que ce qu'en avait montré le Musée de l'Homme de Paris, puisque dans "Vénus Noire" Abdellatif Kechiche à son tour la prive d'intériorité.
Ne lui accordant que quelques bégaiements, une ébauche de chant et quelques notes d'un instrument de musique entre deux verres d'alcool, il préfère exposer son corps tripoté, mesuré, humilié, molesté et enfin dépecé en une succession sans fin de plans sur ses fesses, puis sur son beau visage fermé parfois en pleurs pour revenir à la foule coupable, rougeaude et grimaçante. Et ainsi de suite.
Beau visage fermé au milieu d'une foule grimaçante? Malheureusement "Vénus noire" est assez loin du "Portement de Croix avec Sainte Véronique" de Jérôme Bosch. Kechiche nous emmènerait plutôt vers un proto-clip MTV, avec fille dénudée conviée pour sa seule compétence dans l'art du booty shake. Car ce dernier, soyez-en sûrs, ne manque pas au spectacle.
Et cette foule coupable, est-ce que c'est nous ? Sans doute puisqu'il a bien fallu que le spectateur fasse quelque chose pour mériter cela : cette prise d'otage qui consiste en une description méticuleuse, naturaliste du sordide et de l'obscène, jusqu'à l'épuisement.
A coup de caméra vériste et tremblante, façon théâtre de rue filmé (les seconds rôles grimacent vraiment beaucoup et parlent très fort), subtile comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, Kechiche assène à un public convaincu d'avance (sérieusement, peut-on être raciste, nostalgique des freak shows, amateurs de zoos humains et aller voir un film sur un tel sujet ?) que vraiment c'est très mal d'avoir fait subir tout cela à la pauvre Saartje.
Mais quand même, encore un plan sur ses fesses avant la fin? Sur ses organes génitaux conservés dans du formol, pour la route? Tel est pris qui croyait prendre : ces longues exhibitions qui ont tout de la complaisance désservent le propos.
Le hors-champ, c'est quoi déjà?
En sortant de la projection j'étais sûre d'une chose : j'aime trop le cinéma pour retourner voir un jour un film d'Abdellatif Kechiche.
Dès que possible d'ailleurs, je vais revoir « Elephant man » de David Lynch auquel Kechiche semble avoir voulu faire référence de temps en temps mais bien en vain.