Après la parution du Tabac Tresniek et d'Une vie entière, le nom de l'autrichien Robert Seethaler est devenu synonyme de littérature poétique, tendre et mélancolique. Avec une grand économie de moyens, l'auteur réussit à évoquer des existences somme toute banales mais passionnantes quand on sait comme lui en tirer la quintessence humaine. Le champ, son dernier roman, a tout de l'objet conceptuel, ce qui n'étonne pas de Seethaler ni n'effraie a priori, avec des défunts qui prennent la parole à tour de rôle, tous originaires de la petite ville de Paulstadt. De quoi composer une tapisserie vivante, si l'on ose dire, d'une localité ordinaire mais riche de destins en tous genres, comme de bien entendu, tragiques, comiques ou simplement modestes et forcément touchants. Malgré quelques passages assez émouvants, Seethaler échoue malheureusement à relier entre eux les différents récits (30 sur 270 pages), assez hétéroclites, y compris dans le style, et racontant parfois une vie entière (c'est dans exercice que l'auteur est le meilleur, même sur un nombre de pages réduit), parfois des moments isolés, parfois des scènes anecdotiques, parfois des sensations ou des énumérations. Il y est question des circonstances de la mort des différents narrateurs mais pas toujours et il arrive même que certaines confessions soient totalement opaques. Ce que l'on regrette le plus dans Le champ, c'est le peu de connexions entre les différentes destinées, alors que la plupart des morts se sont connus, ne permettant assez que très peu d'approfondir la psychologie des personnages, à une ou deux exceptions près (le curé qui a mis le feu à son église). Difficile de considérer le livre comme un recueil de nouvelles mais ce n'est pas non plus un roman classique et linéaire. Plutôt un exercice de style auquel il manque une vraie unité, à partir d'éléments qui ne sont pourtant pas si disparates.