Quoi de mieux que de descendre un bouquin dont une large part de l'action se déroule sur une planète entièrement glacée par un temps de canicule ? S'il est vrai que c'est froid pour l'imaginaire uniquement, les nombreuses descriptions de paysages de glaciers et de moraines, comme le ressenti thermique des protagonistes, invitent au rafraichissement. L'effet inverse, en quelque sorte, de celui que procurerait la lecture d'un thé au Sahara dans un igloo.
Krug, pour un premier roman, s'en tire à mes yeux très bien avec un bouquin dont le principal défaut est de vouloir un peu trop faire du Damasio. Roman choral, comme il se doit dans un tel exercice, et langage imagé propre à chacun des personnages, avec toutefois une écriture qui manque parfois de clarté et qui n'est pas encore tout à fait au niveau de celle du modèle. Mais, à côté de cela, le scénario est fort bien torché; on pourra tout juste lui reprocher un démarrage un peu poussif, en raison peut-être de l'utilisation d'une narration en flash-back pour l'un des personnages et dont on pourrait penser qu'elle vient s'agréger à l'histoire un peu tardivement. Mais pour le reste, c'est bien ficelé et ça donne un bon petit space opera qui se dénouera sur Delas, la fameuse planète glacée, avec une fin très réussie en cela qu'elle sublime la dimension humaine et la profondeur des personnages.
Par ailleurs, le bouquin est porteur d'une forte composante de critique sociale et politique. Certes, l'action se déroule dans le système galactique Epsilon, mais il faut être aveugle pour ne pas voir le parallèle - certainement pas innocent de la part de l'auteur - entre le régime en place à Epsilon et ceux de nos sociétés modernes occidentales. Et Krug de poser tout un tas de questions intéressantes sur des sujets tels que le rôle des scientifiques, les moyens technologiques de contrôle de la population, la tendance aux dérives autoritaristes, le poids politiques des militaires, les modalités et la forme que peut prendre une résistance, les inégalités sociales et la répression des populations des classes inférieures. Là encore, d'ailleurs, on peut faire aisément un parallèle avec Damasio. Sauf qu'en l'occurrence, puisqu'il s'agit du fond et non plus de la forme, ça ressemble moins à une tentative d’imitation un peu maladroite et ça vient plutôt enrichir la perspective.
Bref, un auteur à suivre, je crois, s'il parvient à trouver son style et sa voie propres.