C’est un livre dur et violent comme un coup de poing dans le ventre. Dans « Le chant des revenants » Jesmyn Ward nous fait descendre en enfer avec Leonie, Jojo et leur famille. Jojo a 13 ans. Leonie est sa mère mais il y a bien longtemps qu’il ne l’appelle plus maman. Kayla, sa petite sœur de 3 ans, non plus ne dit pas maman. C’est surtout leur grands-parents qui les élèvent. Car la plupart du temps Leonie est trop défoncée pour s’occuper de ses gosses. C’est pas qu’elle les aime pas, c’est qu’elle y arrive pas. Derrière ce drame premier s’en cache un autre. Celui de la mort de Given, le frère aîné de Leonie, tué par un membre de son équipe de foot, équipe où il était le seul noir, équipe où il se croyait à sa place auprès de ses frères blancs. Mais dans le Mississipi des bayous, des bois et de la chaleur moite, il n’y a pas de fraternité entre noirs et blancs. Et plus loin encore, c’est tout le drame de la segregation, de la servitude. La mise en abime semble ne jamais s’arrêter. Et certains passages sont vraiment très perturbants. Et au milieu de toute cette horreur subsiste un amour pur, celui d’un grand frère pour sa petite sœur, celui de grands parents pour leurs petits-enfants. Là où les spectres rôdent, où la souffrance du passé reste toujours présente, le chant des fantômes ne peut être stoppé que par la force des vivants. Un très beau livre.