Le Chapeau de Mitterrand (très importante, la majuscule à Chapeau) est un livre-bonheur, un petit bijou de comédie caustique qui ravira les nostalgiques de l'époque (le milieu des années 80) et apprendra quelques petites choses, sur l'air de ce temps-là, aux plus jeunes. Sur le principe de La Ronde de Schnitzler, Antoine Laurain décrit dans son roman les voyages du galurin du chef de l'Etat qui, en se posant sur des têtes successives, modifie ipso facto la façon de penser et le destin de ses propriétaires éphémères. Au moment où le procédé menace de devenir répétitif, Laurain donne un nouveau départ à son récit et le termine par un clin d'oeil malicieux et jubilatoire. A travers les pérégrinations du couvre-chef présidentiel, l'auteur s'amuse à dessiner d'un trait ironique, espiègle et très juste les contours d'une période qui nous semble à des années lumière. Canal + et Mylène Farmer débutent, le minitel sert de club de rencontres, Mourousi trône au 13 heures, on pleure Coluche, les colonnes de Buren sont vilipendées et les otages français au Liban n'ont toujours pas été libérés. Laurain épingle la gauche "caviar" et se gausse d'une droite qui persiste à appeler le président "Mittrand". Le portrait le plus réussi est celui de ce riche bourgeois qui, du jour au lendemain, après avoir pris possession du chapeau, achète Libération en lieu et place du Figaro et tombe amoureux des oeuvres d'un artiste obscur, un certain Basquiat. Le roman se lit d'une traite, le sourire en coin et, une fois la dernière page tournée, on n'a envie de dire qu'un seul mot à l'auteur : Chapeau !