On ne lit plus beaucoup Howard Butten m'a dit mon libraire. Le peu d'activité sur la page sens critique de l'œuvre lui donne raison. J'avais adoré Quand j'avais cinq ans je m'ai tué, j'ai donc attaqué la suite, d'autant plus que les appréhensions de mon libraire sur l'absence d'édition actuelle n'était pas fondées (enfin si elles le sont puisque le livre n'est plus lu, mais bref le roman est toujours édité).


J'ai mis la note maximale à cette œuvre donc peu de suspense quant à mon appréciation de l’œuvre. Normalement, je n'aurais pas pris le temps de faire une critique mais si c'est un moyen de donner ne serait-ce que 0,000001 % de visibilité à ce texte, ça vaut le coup.


Le coeur sous un un rouleau compresseur débute à la sortie d'hôpital de Gil, désormais âgé de neuf ans. Je ne vais pas révéler ici les raisons qui ont mené à son internement pendant un an mais ce traitement (emprisonnement plutôt) a un lien avec une camarade de la même année, Jessica, qui si elle a échappé à l'asile, a tout de même fini envoyé dans un autre état chez sa tante. Une relation que l'on ne peut décrire en quelques mots unit les deux . Au fil des années,je vais également rester flou sur ce point , leurs existences ne cesseront de se heurter.


Vous l'aurez compris, je souhaite au maximum éviter d'abîmer l'enveloppe du récit. N'imaginez pas un récit à pirouettes scénaristiques ou qui multiplierait les révélations mais même si l'intrigue ne peut pas vraiment être gâchée, il me semble important de ne point éventer ses détails.


A quoi tient la qualité du livre alors ? A son style premièrement. Oui, la réponse est facile et non ce n'est pas du Proust, mais il y a dans la manière dont on est au plus proche constamment de la psyché familière et tourmentée de Gil, un délice d'imagination et de sensibilité. La spontanéité de l'écriture est bien entendue artificielle pour celui qui prendrait le temps de bien la disséquer mais il y a un tel renouvellement dans la manière de mettre des mots sur l'hypersensibilité de Gil, que l'on se laisse avoir, et on en est tellement heureux. Certes, la manière dont son point de vue évolue peut sembler assez prévisible sauf qu'il y a toujours ce petit grain de sable, cette phrase au détour de laquelle, on est encore saisi, par une évolution du style que l'on n'avait pas vu venir.


C'est dans les scènes où les deux sont ensembles que l'auteur atteint un autre niveau. L'univers de Butten, onirique, lyrique, enfantin et cruel déploie toute sa stature. Les excès métaphoriques, les lourdeurs politiques, les redondances structurelles s'effritent complètement et demeurent des échanges et instants hors-normes. Une littérature adulte rêveuse qui enlace un imaginaire jeunesse désillusionné. Le résumé peut laisser penser à une comédie romantique. Le romantisme est plutôt celui du XIXe avec ses héros fracassés qui essayent de rentrer dans les cases du rêve américain.


C'est une magnifique histoire d'amour et une passion sordide. C'est un coup de foudre et de folie. Un Orphée fêlé, une Eurydice en crise. Un petit garçon qui aime la fille de ses rêves, dont il entend la voix dans la radio de sa tête et qui nous livre son journal fantasque, fatal et fascinant.

Indiana-Marcel
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le 11 avr. 2021

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Indiana-Marcel

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