Quoiqu'il écrive, Sandro Veronesi est sans cesse identifié comme l'auteur de Chaos calme, le livre qui l'a propulsé sur le devant de la scène littéraire. Pourtant, il a signé depuis une poignée de livres plus qu'estimables mais il ne pourra sans doute jamais se débarrasser de cette référence obligée. A moins que Le colibri, sa dernière œuvre, primée en Italie (Strega) et dernièrement en France (France Inter), ne vienne changer la donne. Le colibri raconte la vie de Marco Carrera, ophtalmologue de profession, à travers ses amours, ses amitiés, ses liens familiaux et les nombreux drames qui ont jalonné son existence. Dans une veine tragi-comique qu'il maîtrise à la perfection, l'auteur italien a peu de concurrents : résilience, mélancolie et force de caractère se conjuguent pour un portrait intense d'un homme guère ménagé par les coups du sort. Le livre est incontestablement brillant, souvent émouvant et franchement drôle par moments, grâce notamment à des dialogues enlevés, ceux que le héros entame avec le psychanalyste de sa femme, devenu une sorte de confident. Veronesi intègre lettres, courriels et échanges téléphoniques au milieu d'une narration plus classique. Mais l'architecture du roman se caractérise surtout par une chronologie chamboulée, des années 60 à 2030, perturbant quelque peu la lecture, même si l'on en admire la construction. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, est-on obligé de se demander car il n'est pas dit qu'un récit ordonné lui aurait donné moins de force. La destructuration des intrigues est devenue une constante dans la littérature d'aujourd'hui, hélas. Aussi virtuose que soit un romancier, elle est loin de se révéler convaincante dans la plupart des cas. Le colibri est un drôle d'oiseau, dommage que son ramage fasse oublier parfois son beau plumage.
Merci à NetGalley et aux Éditions Grasset !