Il m'aura fallut 10 mois pour lire Du Côté de Guermantes (coupé en deux pour des raisons éditoriales) et j'avoue qu'après Du Côté de chez Swann ou A l'ombre des jeunes filles en fleurs j'ai vraiment été moins passionné par ce nouveau fragment de La Recherche du Temps Perdu": il s'y passe peu de chose (comme souvent chez Proust) le narrateur piétine un peu et mis à part Robert de Saint Loup, Françoise et Albertine (qui passe vite fait) les personnages qu'il y croisent me sont foncièrement antipathique, à commencer par la Duchesse de Guermantes elle même.
Mais d'un autre côté c'est à dessein : il s'agit de montrer que l'univers auquel l'auteur aspirait, le monde qu'il cherchait à occuper et sur lequel il fantasmait est en réalité composé de gens pédants, superficiels (Mme de Guermantes), hypocrites (Monsieur de Norpois, que je continue à exécrer de romans en roman) ou incompréhensibles (Charlus) et aux relents nauséabond. (La façon dont ils se positionnent sur l'affaire Dreyfus par pur opportunisme, les "filles-fleurs" qui flattent le narrateur qu'elles ont à peine croisés.) Un critique de l'époque avait comparé l'univers de ce roman à celui des personnages qu'on peut croiser dans la Comédie Humaine de Balzac.
Après, il y a des fulgurances qui m'ont plues : une après midi avec sa grand mère (cumulé au moment de deuil de celle-ci dans la partie 2) un flirt avec Albertine et une visite chez les Guermantes à la fin du roman, qui contient une sorte de critique de l'absurdité des conventions artistocratiques. Mais ça fait mince, surtout en regard de l'attachement que j'ai porté pour les deux premiers romans.
Du reste, ça me rappelle un peu le monde déjà décrit dans Un Amour de Swann et j'ai eu du mal à m'attacher à cette redite. J'ai mis des mois à finir le roman et au final, ce que j'ai le plus aimé était les disputes se rattachant à l'affaire Dreyfus et à quel point cela passionne vraiment les gens de la haute comme de la basse société.
Cela permet enfin de situer le personnage dans le temps : si dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs le narrateur était tantôt décrit comme un enfant, tantôt comme un ado ou un jeune adulte, ici, c'est clair qu'il doit avoir dans les 18/20 ans. On le voit moins naïf et commençant à se poser des questions (Pourquoi St Loup se bat-il avec un homme dans la rue? Pourquoi Charlus semble soucieux du choix du carosse qu'il va prendre ?) qui vont être éclairante concernant la sexualité de son entourage.
Du reste, j'ai eu une révélation en lisant ce livre et quelques analyses. Celle que le fameux dyptique Sodome et Gomorrhe était déjà préparé dans les livres précédents : Swann = Sodome et Guermantes = Gomorrhe. J'analyse peut-être trop. La lecture des prochains volumes me le dira.