Et je fais comment pour mon titre, moi, alors que Monsieur Dave-paresseux s'est arrêté au 2e tome ?
C'est fou comme on s'y fait à ces phrases dont je ne remarque même plus la longueur, sauf lorsque l'on m'interrompt en milieu de lecture pour me parler de choses triviales comme la platine de fusibles complètement rouillée de Sam - ma voiture - et que je dois retrouver leur début.
Albertine - qui ne fait qu'une apparition - et la grand-mère - qui ne fait qu'une disparition poignante - mises à part, le livre, comme son titre l'indique très justement explore les Guermante. La duchesse qui s'agace d'abord de la fascination obsessionnelle qu'elle exerce sur le narrateur avant de l'accueillir dans ses salons est clairement le centre de ce livre. Cette duchesse tant admirée, vive et pleine d'esprit qui, pourtant, prend un malin plaisir à la méchanceté tant qu'elle ne fait pas craquer le vernis fragile des apparences. Le monde des apparences, voilà ce que découvre le narrateur en même temps que les contradictions des propos de Mme de Guermante quant à ce qu'elle aime ou non selon ses interlocuteurs. Le spectacle continuel auquel son mari - qui par ailleurs la trompe allègrement - se livre pour la mettre en valeur, ce qui ne manque pas de le faire briller aussi.
J'ai beaucoup aimé aussi retrouver Saint-Loup et ses déboires avec Rachel. Attendais avec impatience la "confrontation finale" avec un Charlus étrange, presque inquiétant. Je n'ai pas été déçue, ayant presque envie de lâcher au milieu de ma lecture la fantastique et fort lorraine expression "C'est quoi du mannequin là ?!" du fin fond de ma baignoire. Cette confrontation avec Charlus, personnage on ne peut plus déconcertant pour le narrateur, est d'autant plus forte qu'elle laisse une grande place à son ressenti, à ses sentiments quand la description des salons laissait celui-ci s'effacer devant les dialogues absurdes et l'étalage des généalogies.
Que dire de plus sur un livre aussi dense sans faire une critique de dix pieds de long ou répéter ce qui a déjà été dit ? Ah, si, tant qu'à répéter, dans les centaines de pages de documents de mon édition, j'ai trouvé cet extrait d'un article contemporain à Proust qui m'a bien amusée : "M. Marcel Proust passe pour un écrivain diffus. Ainsi se forment les légendes. Il est le plus concis des écrivains. Qu'on lise la première partie du "Côté de Guermantes". Cette lecture faite, qu'on imagine le thème de ce roman proposé à Mérimée, par exemple : cet auteur sec et précis serait bien empêché d'en composer une nouvelle de dix pages. Mais, qu'on eût offert, au contraire, à Balzac la matière abondante de ces 279 pages - je dis la matière, plus exactement la profusion des vues - il en eût sorti quinze volumes (parce qu'il est mort jeune)."
A méditer.