Dans la catégorie "poètes français du XXe", j’isolerais trois géants :
Celui qui ne croyait pas au ciel, Aragon, légitimement et officiellement honoré,
Brassens, qui faute de croire en Dieu, estimait l’homme :
« J'ai même pour Jésus et pour son sacrifice, Un brin d'admiration, soit dit sans ironie. »
Enfin, celui qui y croyait de toute son âme, le discret La Tour du Pin.
Il sera l’homme d’un seul livre, mais quel ouvrage. C’est un tout jeune homme de dix-huit ans qui en trace le plan. Il envisage trois parties, trois recueils distincts mais intimement liés.


Marqué par la sortie de l’adolescence, Le Jeu de l'homme en lui-même (publié en 1946) sera consacré à sa propre découverte.


Les bois étaient tout recouverts de brumes basses,
Déserts, gonflés de pluie et silencieux ;
Longtemps avait soufflé ce vent du Nord où passent
Les Enfants Sauvages, fuyant vers d'autres cieux,
Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l'espace
J'avais senti siffler leurs ailes dans la nuit,
Lorsqu'ils avaient baissé pour chercher les ravines
Où tout le jour, peut-être, ils resteront enfouis ;
Et cet appel inconsolé de sauvagine
Triste, sur les marais que les oiseaux ont fuis. (…)
(Enfants de septembre)


Dans le second tome, Le Jeu de l'homme devant les autres (1959), il se tournera vers ses frères pour bâtir, avec eux, un “Monde d'amour”.


Lorsque je vais vers toi de toute ma chair,
Refaisant l’admirable dessin de la femme
Avec les lèvres et les mains, la lumineuse
Prise de ton corps vierge dans le mien,
Il n’est pas d’autre mer pour le fleuve que je suis,
D’autre ciel pour le cri de bonheur que je suis,
D’autre champ pour le germe d’amour que je suis,
Et je ferme le corps que nous faisons ensemble.
Et je peux à la fin déborder de mon être,
A ton ventre et ta gorges, estuaires de la vie,
Et nous reprenons souffle l’un dans l’autre, au vent
Venu des plus profondes vallées sensuelles,
Et nous sommes du rythme éternel retrouvé (…)
(Noce, Les poèmes du foyer)


Enfin, il lancera devant son Créateur son chant, « au nom de tous les autres qui ne le peuvent pas », ce sera Le Jeu de l'homme devant Dieu (1975).


Tous les chemins du Dieu vivant
Mènent à Pâque,
Tous ceux de l’homme à une impasse :
Ne manquez pas au croisement
L’auberge avec sa table basse ;
Car le Seigneur vous y attend.
N’attendez pas que votre chair
Soit déjà morte,
N’hésitez pas, ouvrez la porte,
Demandez Dieu, c’est lui qui sert,
Demandez tout, il vous l’apporte :
Il est le vivre et le couvert. (…)
(Prière du Temps Présent)


Nombre de moines entonnent, chaque jour, ses hymnes. Ce n’est pas rien.

SBoisse
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le 18 avr. 2016

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Step de Boisse

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