Le Moulin de Pologne s'ouvre sur un personnage énigmatique : on le nomme M. Joseph, on l'admire, on le craint, on lui suppose de hautes relations et des desseins mystérieux. C'est lui qui va s'installer dans le Moulin de Pologne, lieu mythique de ce village provençal. Le narrateur, un juriste opportuniste assez médiocre, va se mettre à son service. Il nous conte les réactions des notables du village et des mégères, qui guettent chacun de ses gestes. Tout cela est assez savoureux.
Et puis, tout d'un coup, changement de sujet, assez déstabilisant : on nous dévoile le destin d'une certaine famille Coste, sur plusieurs générations. Cette famille est maudite : l'une meurt en couches, l'autre s'exile, un troisième est victime d'un accident, tous sont décimés. Ne reste, au bout du compte, que la jeune Julie, rejetée de tout le village notamment suite à un scandale fait dans un bal. C'est elle que M. Joseph
choisira d'épouser, sans qu'on comprenne vraiment les ressorts de cette décision.
Cette fin avait certes été annoncée au début du roman par l'épisode des deux petites filles, des quantités négligeables au village, auxquelles M. Joseph faisait l'honneur de les prendre par le bras. Notre homme, visiblement, n'aimait rien tant que choquer le bourgeois.
Le problème c'est que la longue partie centrale nous fait perdre de vue le mystérieux personnage si bien croqué en début d'ouvrage. Etrange construction que celle de ce roman, qui m'a à moitié convaincu. Le style est par ailleurs toujours de qualité mais on est loin de la langue de Naissance de l'Odyssée par exemple, la toute première oeuvre de Giono, au style très dense. Une semi déception.