En 2012, Joseph Ndwaniye publie Le mangeur d’hommes aux éditions Aden à Bruxelles et nous abreuve en même temps de son second roman. Ce Rwandais vivant depuis une vingtaine d’années en Belgique nous fait voyager, à travers les 151 pages de son œuvre, dans son pays natal. C’est avec une impression mitigée que j’ai ouvert ce livre pour en découvrir le contenu qui semble être d’un genre que beaucoup d’entre nous ne lisons pas souvent.

Le muzungu mangeur d’homme nous permet de suivre les aventures de Lies et Arno fraîchement débarqués au Rwanda. On découvre vite le pourquoi de leur venue. Lies devient temporairement le médecin de ce pays en voie de développement. Arno quant à lui accompagne sa femme et se retrouve vite à ne rien faire. L’ennui fait naître en lui l’envie de découvrir le pays qui l’accueille temporairement en son sein. Il se met donc en quête d’apprendre la langue locale et de découvrir les rites et coutumes de ce peuple coloré et plein de vie. Mais au fur et à mesure que Lies s’enlise sous un travail toujours plus prenant et qu’Arno se met en tête d’aider les Rwandais à mieux vivre, il s’installe entre eux la lassitude. Avec elle, les jeunes mariés commencent à se perdre de vue et la tentation se fait sentir.

A travers son livre, Joseph Ndwaniye nous transporte au sein de la culture qui a bercé son enfance et qui selon mes impressions a aussi façonné son style d’écriture. La culture Rwandaise a des particularités qui m’étaient totalement inconnues jusque là. Je ne m’étais jamais intéressée à ce qu’elle pouvait apporter aux autres cultures. C’est donc avec plaisir que j’ai laissé ce livre me porter au sein des collines qui semblent avoir peuplé la vie de l’auteur.

Le récit nous raconte la rencontre entre deux peuples différents, les africains et les occidentaux. Chaque peuple tentant de comprendre l’autre. Arno étant en minorité, il tente de s’intégrer en apprenant la langue du pays ; il souhaite pouvoir converser avec les gens et voir de ses propres yeux leurs traditions, leur façon de vivre. C’est courageux de ne pas se terrer en attendant que les relations se fassent d’elles-mêmes. Quand on sait que l’auteur est lui-même venu vivre en Belgique, il y a environ vingt-ans, on s’imagine qu’il a dû passer à travers ce même désire d’intégration. Cela donne une dimension plus agréable à l’histoire car je me suis demandé si ce n’était pas un peu du vécu.

Lies quant à elle nous montre de son côté, les difficultés que peuvent avoir les pays en voie de développement au niveau du matériel hospitalier mais aussi au niveau des déplacements.

« Etes-vous sûrs qu'il n'y a pas d'autre endroit plus approprié pour franchir la rivière ?, demande-t-elle à Baptiste qui reste près d'elle. Nous ne pouvons nous permettre un itinéraire plus long, lui répond Baptiste. Les enfants s'impatientent là-haut. Certaines mères viennent de loin. Elles ont marché de nuit pour être les premières dans la file. »

Mais au fur et à mesure, on s’éloigne de ce sentiment de curiosité pour tomber dans la consternation. On ne parle plus des habitudes d’un peuple mais bel et bien de sentiments : trahison, déception, hésitation, révélation… Tout s’enchaîne et on en vient à regretter la vie joyeuse et simple des Rwandais. C’est une déchirure et le ton du livre emprunte celui de la recherche du dépassement de soi et de l’oubli.

Mais au fond, où l’auteur veut-il nous mener ? Le récit devait-il nous mener vers une réflexion de ce qu’est le vrai bonheur ? Ou est-ce simplement une façon d’exprimer ce qu’il pense de la vie et de notre propre façon de vivre ? Cela n’est pas clairement défini. Les sentiments de Lies et d’Arno sont mal exploités vers la fin du récit. On ne comprend pas où les héros devaient-être menés et c’est simplement dommage. Le récit pourrait-être vraiment bien mené, l’idée n’est pas mauvaise, loin de là. Mais si cela se trouve, la subtilité du récit n’est pas perceptible par n’importe qui. Qui sait ?

Mais l’auteur pourrait gagner à approfondir ses écrits en fonction de son pays natal mais aussi en approfondissant aussi les sentiments et les sensations de ses héros. Il y a vraiment de la matière à travailler. Un auteur ne se distingue pas seulement par son style d’écriture et son imagination mais aussi par son refus d’abandonner sa passion. Il n’y a qu’à voir J.K Rowling qui a continué à envoyer son manuscrit Harry Potter aux maisons d’édition malgré les refus qui s’enchaînaient.

Il ne reste plus qu’à espérer que l’auteur tiendra sa route et sortira un roman contemporain encore mieux travaillé et plus coloré que Le muzungu mangeur d’hommes. Et cela, tout en nous faisant voyager à travers les merveilleux paysages qui ont côtoyés ses jeux d’enfants.

Moonen Jessica
Kika_Illiandra
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le 4 mai 2014

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