Murakaza neza…. au Rwanda
Sorti en 2012 aux éditions Aden dans la collection Rivière de cassis, « Le muzungu mangeur d’hommes » est le second roman écrit par l’auteur belge d’origine rwandaise : Joseph Ndwaniye ». Après « La promesse faite à ma sœur », dans lequel il évoquait le retour d’un africain chez lui, l’auteur nous propose cette fois-ci la découverte du Rwanda et de sa culture à travers les yeux d’européens, de « muzungu ».
Nous sommes plongés au cœur des années 70, des décennies bien avant le carnage du génocide, où nous pouvons suivre au fil des pages la découverte d’un jeune couple néerlandais rempli de rêves et d’idéaux d’un nouvel environnement et d’une culture différente de la leur. Tout commence par leur débarquement à Kamuvu, petite ville non loin de Kigali, où Lies reprend les rênes d’un hôpital en tant que « muganga », médecin. Arno qui avait mis sa carrière de côté afin de suivre sa femme, ressent de plus en plus le manque d’activité. Il décide alors d’explorer ce que la nature lui offre et d’entreprendre l’apprentissage du kinyarwanda. Son intérêt grandissant pour la culture de la population locale et de sa langue lui revaudra le respect des villageois ainsi qu’une place parmi eux. Lies quant à elle commence une romance avec Baptiste, ce qui entraînera le départ d’Arno au cœur du lac Kivu dans un voyage initiatique qui ne le laissera pas indemne.
Le début semble de prime abord long et monotone et on aurait tendance à s'arrêter là et à passer à autre chose. Mais si on se laisse emporter par la passion de la lecture, on finit par s'imprégner de l'histoire. On change notre manière d’aborder les choses : un mode de pensée différent, un rythme différent ! « Le muzungu mangeur d’hommes » ne peut être considéré comme un roman « à suspens » que l’on dévore d’une seule traite ! C’est un roman telle une rivière qui prend son temps et nous emmène au fur et à mesure de son cours. La plume de Joseph Ndwaniye est fluide et sobre ce qui rend la lecture simple et agréable et le nombre de pages ne peut être la cause de l’ennui provoqué chez certains : 151 pages, on a vu pire !
Ce roman contemporain est un petit bijou au niveau des dialogues qui nous insinuent dans les méandres des interactions humaines. C’est à travers ces dialogues que l’auteur nous amène à la confrontation des cultures. Ici l’étranger est le « muzungu », le blanc (pour changer) ! Pour Arno, l’adaptation se fait facilement car il essaie de comprendre et s’intègre à ces nouvelles mœurs. « - […] Comment cela se passe-t-il chez vous ? - Un homme s’assied à côté de sa femme […] C’est une façon de montrer qu’on s’aime. C’est notre culture qui veut cela. –Ce que tu as vu aussi, c’est notre culture. » Mais Lies ne se détache pas de sa culture européenne et y reste attachée jusqu’à porter des jugements de valeurs. « -A l’hôpital, c’est toi qui prend les décisions, mais […] sur la colline, c’est aux sages que revient ce rôle. […]-Je ne laisserais pas ces machos décider à ma place. » Une question vient alors nous titiller lors de notre lecture : et moi serais-je capable de m’adapter à un autre mode de vie, à d’autres mœurs ?
Joseph Ndwaniye tente de nous transmettre l’amour pour son pays et sa culture dans ce qu’il écrit et essaie de nous emmener loin de notre société, non loin du lac Kivu. Cependant, malgré une description des paysages familiers à l’auteur, une photographie des lieux n’aurait pas été de refus afin de faciliter le dépaysement.
« Le muzungu mangeur d’hommes », ce conte philosophique qui ne changera pas le monde mais qui essaie de nous inciter à regarder avec d’autres yeux. Urabeho et bonne lecture !
Blandine Bourgeois
« Tout le long de ton chemin, ne te retourne pas. C’est souvent derrière soi que se trouvent les pires obstacles […] Le plus important dans la vie est de partir, prendre son envol. »