Ce bouquin, c'est un billet de transport froissé dans la poche d'un futal qui a arpenté mille décors. Un billet passe-partout qui serait valable dans les trains à bestiaux, les bus fatigués, les cargos du bout du monde ou les carlingues au tableau de bord suspect. Et moi, pour être raccord, je devrais écrire tout ça dans un carnet le cul posé sur des cailloux du désert d'Atacama, plutôt que devant un clavier en mangeant une Danette.
Ce que je ne savais pas par contre, c'est que ce n'est pas un roman à proprement parler, mais plutôt une collection de souvenirs tirés de la propre vie de Luis Sepúlveda... Avantage et inconvénient, car l'authenticité et le coeur mis dans ces mots le disputent au côté décousu.
Il y a le plaisir évident du récit de voyages, le mouvement, la multitude de lieux et visages rencontrés, tout ça cadrant si bien avec l'Amérique du Sud, ses espaces sauvages et hors du temps, ses gens tous un peu locos à leur manière. Surtout que le Luis a les pieds qui se dirigent volontiers vers les lieux improbables : prison chilienne, ville frontalière dans le désert, colloc' de 6 hamacs, hacienda constellée de cages à oiseaux, ferme patagonienne, et j'en passe. Le tout en dégageant un vrai sens de l'amitié et de la rencontre qui compte.
Juste dommage ne pas pas avoir étoffé tout ça par un fil narratif plus solide. Avec un peu plus de liant entre les épisodes, de progression dans le récit, le livre aurait pris je pense une dimension supplémentaire (possible aussi que je sois le principal fautif, en pensant avoir à faire à une fiction en démarrant la lecture).
Enfin ça n'empêche pas le principal : je me boirais bien un maté (même si ça a l'air assez dégueu) avec Luis Sepúlveda pour qu'il me raconte un peu plus sa vie.