Le Père est une pièce de théâtre contemporaine française composée par Florian Zeller en 2012. Elle met en scène la progressive perte de conscience d'André, un homme atteint d'une maladie dégénérative qui voit le monde s'estomper sous ses yeux alors qu'il ne parvient plus à identifier les ombres qui s'agitent autour de lui dans sa tragédie intime.
Le Père a beau constituer un morceau de planches des plus simples à six personnages, quinze brefs tableaux et une intrigue resserrée, il se montre particulièrement astucieux dans son dispositif. L'évasement progressif du décor pour camoufler certaines transitions, le doute sur l'identité de deux personnages nommés « l'homme » et « la femme » ou le montage dans le désordre des scènes qui ne suivent pas une disposition chronologique nous permettent tous d'épouser le point de vue d'André, le père, victime éponyme de la maladie, pour ressentir au plus proche l'angoisse voire l'horreur parfois provoquée par sa désorientation graduelle, comme si l'on avait pu inventer une forme de focalisation interne sur scène qui viendrait refuser la posture de supériorité d'ordinaire accordée au spectateur mieux connaissant.
En-dehors de ce montage très pertinent pour approcher ce sujet-là, le traitement de la maladie par Florian Zeller est assez classique mais touchant néanmoins, d'autant plus peut-être quand on a pu faire l'expérience de première main de prendre en charge un proche dans cette condition. Le théâtre se montre comme forme spécifiquement à même de dire tout ce que cette situation a de culpabilité, de difficulté à communiquer, de violence et d'agressivité larvées aussi. Il nous renvoie grâce à des personnages très dépouillés et faciles à habiter une remise en cause bien nécessaire sur notre incapacité à prendre en charge aussi empathiquement qu'il le faudrait ceux que la possibilité de puissance n'habite plus tout à fait.
En parcourant Le Père, on se prend parfois face aux différentes issues qui semblent rendues possibles par la dislocation de l'intrigue à rêver que ce ne soit pas celle qu'on sait pourtant être l'inévitable qui advienne ; et quand elle advient, la cruauté de la fatalité rappelle encore assez que dans toute sa simplicité, la pièce de Florian Zeller s'intègre bien à une tradition tragique plusieurs fois millénaire qu'elle sait renouveler avec pertinence. C'est à ça que sert le théâtre.
Excellente approche de la composition.