Jean d'Ormesson parle surtout de sa vie et prend, pour cela, un prétexte pour le moins original : l'ange Gabriel le rend visite. Il tombe sur lui par hasard ; il doit rendre compte à Dieu - d'où le titre - de l'état d'esprit des hommes, notamment à son égard, afin de savoir ce qu'il doit en faire. Il est éventuellement question de les supprimer.
Curieusement, alors qu'il parle de lui et que ce livre soit savamment illustré, il paraît moins élitiste que La Douane de mer et Histoire du Juif errant, fort intéressants, mais truffés de références.
Certes, il est toujours un peu cabot, et se faire interroger sur son existence par l'ange Gabriel ne relève peut-être pas de la première modestie. Mais - et c'est cela que j'apprécie -, il crâne tout en se soumettant à l'auto-dérision, que permet justement le statut de son interlocuteur et de son auguste mandant. C'est un peu tiré par les cheveux, je vous l'avoue.
Il faut avouer que sa propre histoire est particulièrement digne d'être connue, vu tout ce qu'il a pu appréhender et toutes les personnes qu'il a pu croiser. Comme il s'agit d'une auto-biographie, le récit est un peu plus linéaire et facile à lire que les deux ouvrages susmentionnées.
J'ai été touché par la vénération qu'il porte à ses proches, surtout de sa femme Marie, que l'on retrouve dans les deux autres livres, qui ne sont pas entièrement des romans. On revient ici encore sur Venise et Chateaubriand.
Pour sa famille, il évoque son caractère conservateur, en perçoit clairement les défauts, mais ne peut pas s'empêcher de l'adorer tout de même. J'ai été assez ému par cette joliesse de coeur.
Jean d'Ormesson est quelqu'un de très fidèle, à lui-même certes, à Marie, sa famille, ses convictions et ses passions.
Il évoque de manière truculente son passage à la direction du Figaro, sa collaboration avec Raymond Aron - il aurait pu tomber sur pire - et son départ après le rachat du périodique par Robert Hersant, dont la description ne manque pas d'impressionner. C'est alors qu'il écrit dans le journal.
C'est là qu'est née la polémique de 2001 - date de parution de l’ouvrage - due à sa rencontre avec François Mitterrand où il lui fait part, avant de se quitter, presque au dégoté et sur le ton de l'évidence, de l'importance du lobby juif. C'était dans le cadre d'un petit-déjeuner, juste avant la passation de pouvoirs avec Jacques Chirac.
Comme mon pseudonyme l'indique, je partage sa passion pour Venise ; nous nous séparons sur l'art contemporain : j'aurais bien voulu me rendre dans le salon de Georges Pompidou réalisé par Agam.
Il m'apparaît comme quelqu'un d'honnête, direct, courtois, très cultivé et très fidèle, de quoi lui pardonner d'être un peu cabot, ce qu'il fait avec humour.
Je précise que les notes - nombres d'étoiles - que je mets sont empreintes de subjectivité, n'étant pas un spécialiste de littérature. J'essaie d'être le plus objectif possible, mais il me semble que, en matière d'art, on ne peut pas totalement - doit pas ? - se séparer de ses goûts et coups de coeur.
C'est une vie - et un livre - qui vaut - valent - le détour.