Dans la chronique de "Razzia sur la chnouf", j'avais déjà pas mal évoqué le personnage un peu sulfureux d'Auguste Le Breton. Avec "le Rouge est mis" publié en 1954 peu après "Du rififi chez les hommes" (1953) puis "Razzia sur la chnouf"(1954), il confirme sa carrière d'écrivain de polars noirs. Le roman date de 1954 (et non 1976 comme indiqué sur la fiche SC). En 1957, Gilles Grangier le mettra en scène dans un très fidèle et excellent film éponyme avec Gabin, Ventura, Bozzufi et Frankeur. On retrouvera dans le film une grande partie des dialogues savoureux du roman.
Mais alors que dans le précédent, il hantait les milieux de la drogue et se plaçait du côté de l'ordre, ici, il s'intéresse à un petit groupe de petits truands dont les caractères sont très différents entre un garagiste Louis dit Le Blond qui semble rangé (sauf la nuit) et son petit frère Pierre (tricard à Paris après avoir fait le mariolle en jouant à l'homme), un gitan Pépito, Raimond le Matelot et un copain de toujours Fredo alias Quesquidi.
Mais il faut aussi parler des deux incontournables femmes qui sous-tendent l'action.
D'abord la mère de Louis et Pierre, M'man, qui est une marchande des quatre saisons qui traine tous les jours que Dieu fait sa charrette. Elle aime bien ses deux fils qui le lui rendent au centuple, leur pardonne tout mais a un petit faible pour le cadet Pierre, si jeune et si fragile. Et Louis ne lui en veut d'autant moins qu'il garde un œil protecteur sur le p'tit frère.
Et puis il y a Hélène, la petite copine de Pierre qui l'a dans la peau. Elle, elle profite que son homme est tricard pour assouvir ses besoins (que je ne vais pas préciser). Objet d'adoration aveugle de la part de Pierre, morue intégrale et salope patentée pour Louis …
Les braquages de banques, d'encaisseurs se succèdent et sont de plus en plus sanglants. Louis le Blond et le Gitan sont féroces pour éliminer les témoins. Peu importe car la monnaie rentre. Mais Fredo dit Quesquidi n'en peut plus de ce sang versé même s'il aime le pognon. Il a peur. Prendre l'oseille (qui ne nous appartient pas), oui, mais sans se salir les pognes. Et ça finit par agacer sérieusement les autres membres du gang dont en particulier Le Gitan dont l'empathie n'est pas la qualité dominante.
Roman brut de décoffrage entre un argot de la grande truanderie mâtiné d'expressions gitanes, à l'emporte-pièce, de Pepito qui ne fait jamais ni dans la dentelle ni dans le sentiment.
Roman brut de décoffrage où, finalement, cet attrait du pèze, de l'artiche, du pognon n'est qu'une (vaine) tentative d'accéder à une autre destinée, un autre monde qui semble inaccessible.