Paysans racistes, truands colombiens, tueur en cavale : cela s'anime dans le vignoble de Moissac, décor de ce polar signé DOA.
Cela débute comme un roman de terroir. Mais le lecteur sait que cela ne devrait pas continuer : une Série Noire sans cadavre cela ferait tâche. Pourtant tout commence en pleine cambrouse, du côté de Moissac, Tarn-et-Garonne, capitale du chasselas, ce raisin de table bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée. C'est l'hiver. Les vignes sont en sommeil. En pleine nuit, Baptiste Latapie, représentant typique de l'autochtone s'active dans les vignes de son voisin, Omar Petit. Avec un sécateur, il sectionne méthodiquement tous les fils de fer supportant les pieds de vigne. Et tout en effectuant sa tâche, il se répète : « Un macaque à Moissac ! Un nègre chez eux ! Qui voulait faire du grain AOC ! Coupe ! C'était leur raisin ! Leur païs ! Coupe ! Pas de macaque paysan ! Coupe ! » DOA, l'auteur, dans cette introduction, plante un décor qui malheureusement est criant de vérité. La France est un beau pays, mais peuplé d'un peu trop de racistes.
Omar Petit est d'origine sénégalaise. Né en France, marié à Stéphanie, héritière de cette propriété. Cela fait quelques années que le couple tente de vivre de leur exploitation. Mais c'était sans compter l'hostilité des voisins, Latapie et ses copains, chasseurs et pompiers volontaires. Omar refuse de rendre les coups. Il fait le dos rond : « Dans cette guerre stupide, c'étaient les seules armes dont disposait Omar, le colosse paisible. Trop paisible. Sa sérénité, qui avait séduit Stéphanie quand ils s'étaient rencontrés, passait aujourd'hui pour de la passivité ou pire, de la lâcheté. ».
Le problème pour Latapie, c'est que ce soir-là, il n'était pas le seul à travailler de nuit dans les parages. Trois hommes, en provenance d'Espagne, ont rendez-vous. Le chef, Javier Creo-Perez, un jeune Colombien, vient prendre un premier contact avec des truands français pour vendre sa cocaïne dans l'Hexagone. Ils sont en avance. Et tombent sur un motard, blessé, énigmatique. Ils n'ont pas le temps de parler, laissant cet honneur à leurs armes. Bilan trois morts, dont le baron de la drogue en mission pour son père. Le motard, blessé, prend la fuite. Tout cela sous les yeux de Latapie qui reste figé sur place.
Qui est ce motard ? Pourquoi a-t-il abattu les trois hommes froidement ? Les premières questions ne restent pas sans réponse pour ceux qui ont lu le précédent polar de DOA, « Citoyens clandestins ». Les autres découvriront la personnalité du tueur, homme en cavale trouvant refuge dans la ferme des Petit. Durant trois jours, nécessaires à sa guérison partielle, il va retenir en otage le couple et leur petite fille.
Pendant ce temps, la gendarmerie sera sur les dents. D'autant qu'arrive à Toulouse, en jet privé, un certain Tod – la mort – Niemeyer. Il est au service du père du Colombien. Il a pour mission de faire le ménage et de notamment retrouver et châtier les tueurs.
Chinois par sa mère, Allemand par son père, c'est un expert en tortures.
Quand il retrouve, en compagnie de son contact en France, Néris, la dernière prostituée qui a eu le malheur de partager le lit de Javier, il a une technique infaillible pour la faire parler : « la pointe du Ka-Bar (un couteau de combat) entailla la peau du torse de la jeune femme, juste en dessous de la poitrine. Elle gueula de façon si inhumaine et stridente que Néris se boucha les oreilles. Avec une efficace brutalité, la lame de Tod fouilla sous le sein droit et souleva une langue de chair. Néris se plia en deux pour vomir. » Voilà, on a quitté les bucoliques coteaux de Moissac pour plonger dans la violence et la peur d'une Série Noire d'exception. L'action va aller crescendo, avec la rencontre de presque tous les personnages chez les Petit puis un final dans Moissac qui, s'il avait véritablement eu lieu, ferait encore parler aujourd'hui.