Éloge de la famille méridionale dans tout ce qu'elle a de plus patriarcale et matriarcale, "Le soleil des Scorta" semble avoir fait l'unanimité des lecteurs, si j'en crois les avis plus qu'enthousiastes. Une unanimité étayée par l'obtention du Goncourt général en 2004.
J'aurais voulu vous parler de ce roman comme d'une grande saga familiale épique mais je me contenterai de la sobre étiquette "saga familiale" tout court. En moins de 250 pages nous est narré un siècle de l'existence de la lignée des Scorta, habitant le village de Montepuccio, l'un de ces villages ruraux brûlés par le soleil implacable des Pouilles et dont le sol de pierraille n'offre de ressources qu'aux précieux oliviers.
Je ne vais pas tourner plus longtemps autour du pot, j'attendais de ce roman bien plus d'élan qu'il ne m'en a offert. En fait, pour être sincère, la plupart du temps, je me suis ennuyée, m'estimant heureuse que le style de l'auteur favorise une lecture fluide et aisée. D'ailleurs, tout semble aller trop rapide dans ce récit, les décennies passent en quelques lignes, la passionnante tentative d'émigration aux Etats-Unis des trois principaux protagonistes tourne en eau de boudin et l'existence ne semble tenir qu'à un fil ténu, celui de l'insolation ou du sacrilège menant fissa au lynchage collectif.
Il est clair que Laurent Gaudé a voulu rendre hommage au pays de son épouse, un pays qu'elle s'est plu à lui faire découvrir au-delà des paysages, par une confrontation intime avec sa population, tout en authenticité. En cela, on sent que l'auteur livre à son lecteur une part très personnelle de sa sensibilité. Hélas, est-ce parce que je sors à peine d'un roman de Pagnol dans lequel chaque phrase est auréolée de la crédibilité et de l'authenticité du natif, que la chronique des Scorta a résonné à mes oreilles de façon si fade et si tiède ? J'aurais voulu du développement, j'aurais voulu sentir le temps s'écouler lentement comme il sait si bien le faire dans ces régions méridionales, j'aurais voulu de la poésie et du lyrisme dans les descriptions, j'aurais voulu plus de sons, plus d'odeurs, plus de matière à pétrir en imagination...
L'histoire des Scorta s'ouvre sur la naissance "par accident" d'une dynastie réputée maudite et se termine par une réunion des fantômes de la famille au cimetière. Entre ces deux événements, et bien oui, plusieurs générations d'hommes et de femmes subissent et agissent, ne trouvant de raison de vivre que dans un esprit de famille exacerbé par les épreuves.
"L'histoire de sa famille lui apparaissait désormais comme une pauvre succession d'existences frustrées. Ces hommes et ces femmes n'avaient pas mené la vie qu'ils voulaient."
Je regrette que Laurent Gaudé ait voulu me démontrer que de la vie à la mort il n'y a qu'un pas, l'existence. Je le sais déjà. Reste l'écriture, qui est belle. A défaut d'un fond captivant, la forme est à saluer. C'était une histoire digne de remplir dix tomes, il est bien dommage qu'elle soit demeurée embryonnaire.