Difficile de cartographier Le Village du britannique Dan Smith.
On a bien envie de parler de polar historique puisqu'il nous plonge dans les années 20, dans un empire soviétique déjà dévasté par une première guerre, par les erreurs de Lénine et maintenant celles de Staline.
Il s'agit tout aussi certainement d'un excellent nature-writing au cœur d'un hiver continental particulièrement bien rendu.
On pourrait même évoquer un polar ethnique tant la survie de ces hommes et femmes d'Ukraine dans ce froid inhumain relève de l'étrange.
Alors on se contentera de suivre bêtement l'éditeur qui a inscrit thriller sur la couverture de cette histoire de serial-killer qui commence un peu comme le Rapport de Brodeck : lorsque le Village découvre un homme à demi-mourant tirant un traîneau avec les corps de deux enfants à demi-dévorés.
[...] L'arrivée de l'étranger dans notre village allait semer le trouble. [...] Surtout s'ils voyaient ce que cet homme avait transporté sur son traîneau.
[...] Il y a des gens ... des gens tellement désespérés qu'ils feraient n'importe quoi pour survivre. Des gens affamés. Ce pays est passé par des moments - pendant les guerres, la famine - où les gens mangeaient tout ce qu'ils pouvaient. Et il y a aussi des gens méchants.
La cruauté, la peur et la bêtise humaines feront le reste et la chasse à l'homme commence. Ou plutôt, les chasses à l'homme puisque chacun semble poursuivi à son tour, qui par les villageois, qui par ses démons, qui par le tueur, qui par les brigades communistes, ...
Une histoire épouvante et glaçante où l'on patauge dans la neige, les peurs les plus profondes et les instincts les plus bas, dans une ambiance proche du roman d*'Ignacio Del Valle*.
Blanche est la neige, noire est l'histoire.
On regrette cependant un style un peu ampoulé où l'auteur nous détaille les affres et les dilemmes de son héros de manière beaucoup trop explicative : une écriture plus épurée et plus elliptique aurait été tout aussi efficace.
Pour celles et ceux qui aiment les hivers rigoureux.