Cela commence comme un roman d’Italo Calvino, truculence et malice du récit, l’auteur nous replonge dans l’ère colonialiste, celle qui imaginait que les personnes de couleur noire étaient une espèce en voie d’extinction… C’est ainsi que l’on découvre Hans Bengler, jeune entomologiste suédois par dépit qui fera la découverte de sa vie dans le désert de Kalahari, non pas l’insecte rare tant convoité, mais de Molo, jeune garçon abandonné qu’il décide de prendre son aile et qui deviendra désormais aux yeux des vivants le petit Daniel. Cela se poursuit à la Mc Orlan, avec ses ambiances glauques, ses mauvaises « gueules » et les bas fonds, dans un périple qui les amènera du Botswana à une Suède poisseuse. Et cela s’achève en psycho-drame réaliste du type XIXème siècle (Andersen est sa « Petite fille aux allumettes » n’est pas loin) où l’espoir est au cœur de la pensée et de l’action mais souvent bafoué par le destin. « Le fils du vent » c’est tout cela réunit en un conte autant moral que social fort bien amené et très sombre. Certes, le lecteur peut être décontenancé par cette narration protéiforme (la bascule entre le premier tiers du livre et le second où le narrateur change, perturbe vraiment), il peut s’agacer de situations purement rocambolesques ou regretter un certain sentimentalisme au détriment d’un ouvrage plus poussé au niveau ethnologique comme une sorte de variation du destin de la Venus Hottentote. Mais Mankell est un rêveur sentimental et le récit du jeune Molo/Daniel n’a comme finalité que de nous émouvoir et nous interroger sur nos propres travers que sont l’intolérance ou la peur provoquée par la méconnaissance de l’autre. Il plonge sa plume dans une certaine amertume et rend hommage à cet enfant, à sa tribu, à ses croyances. Enfant qui est certes personnage de fiction mais tellement représentatif d’une culture bafouée par des occidentaux peu scrupuleux à la morgue déplacée. En plus du message humaniste, « Le fils du vent » possède également toutes les qualités d’un livre d’aventure qui le place d’office au rang des bons romans populaires.