Le grand mammouth est un livre-jeu, paru en 1986, le premier d’un série française. A l’époque les livres-jeux étaient très à la mode. Ces livres étaient généralement des traductions de l’anglais, mais d’autres éditeurs ont choisi de donner leur chance à des auteurs français, dont Hachette, avec notamment la série mythique sur le Prêtre Jean, et Presses Pocket avec cette série Histoires à jouer.
Une particularité d’Histoires à jouer, pour la collection principale en tout cas, est qu’il s’agit de livres historiques, pas de livres fantastiques ou de SF, à l’exception de deux ou trois tomes consacrés à des œuvres littéraires historiques ayant leur part de fantastique : Ulysse, Le roi Arthur, Les 1001 nuits. Nous ne retrouvons donc en général aucune magie, et par certains aspects ces livres-jeux ont une bonne caution éducative. Jean-Pierre Pécau, l'un des auteurs, est d’ailleurs devenu un auteur prolifique des BD historiques.
Une autre particularité des livres de la collection Histoires à jouer est que le personnage incarné par le lecteur possède au moins quatre caractéristiques (parfois plus, mais ce n’est pas le cas dans Le grand mammouth) :
Capacités physiques
Capacités manuelles
Capacités de communication
Points de vie (directement liés à la capacité physique)
Les livres-jeux étant plus ou moins dérivés des jeux de rôles, j’imagine que cette séparation en trois caractéristiques principales vient de là. Je suis assez curieux de savoir comment elle s’est retrouvée ici de façon aussi nette. D’un point de vue de mécanique du jeu, l’existence de ces trois caractéristiques, promet un jeu où les trois devraient avoir leur utilité, et comme on ne peut pas être bon partout, chacune devrait être également représentée dans le jeu afin d’offrir des chances de victoire à chaque type de profil. Les choix offerts devraient donc être en accord avec ces trois possibilités.
Logiquement donc, ces livres devraient offrir au moins trois façons de remporter la victoire, trois voies principales, ou en tout cas trois étapes qui seront plus ou moins délicates selon le profil.
Ce n’est pas vraiment le cas avec Le grand mammouth. Les auteurs le savent bien et avertissent le lecteur dans l’introduction. Le prétexte est que ce livre se déroule à une époque plus violente, une vision un peu dépassée de la préhistoire, mais au moins on est prévenu qu’il vaut mieux miser sur le physique.
Dans ce livre nous incarnons un homme préhistorique, chargé par sa tribu de retrouver le crâne sacré du grand mammouth, esprit tutélaire de la tribu. Pour y parvenir il nous faudra affronter de multiples dangers : tigres à dents de sabre, ours des cavernes, cannibales … ainsi que la nature elle même. Le livre est assez court puisqu’il propose moins de deux cents paragraphes numérotés et que plusieurs chemins sont possibles. L’ambiance y est, toutefois, et c’est à ma connaissance le seul livre-jeu qui propose d’incarner un homme préhistorique, un bon point pour l’originalité.
Sur ces presque 200 paragraphes, j’ai compté environ une demi douzaine d’opportunité d’utiliser ses capacités manuelles et ses capacités de communication, et au moins deux fois plus pour les capacités physiques. Si l’on compte les combats qui reposent entièrement sur les capacités physiques, celle ci sont dix fois plus importantes que chacune des autres.
Nous étions prévenus, mais on ne peut pas dire que la volonté de proposer plusieurs profils différents ne dépasse la simple velléité ici. C’est dommage car en dehors de cet échec, et de la taille réduite du livre, c’est vraiment pas mal comme livre-jeu : plusieurs chemins possibles donc possibilité de relire et de trouver quelque chose de nouveau, des mini-jeux à différentes étapes, un scénario banal mais pas idiot, une immersion préhistorique assez réussie, pour l’époque.
Dommage donc, les autres livres de la collection feront un peu mieux, sans vraiment offrir une vraie voie diplomatique vers la victoire (ou en utilisant principalement les capacités manuelles), et il faudrait plutôt se pencher vers les livres-jeux de la sous-collection Sherlock Holmes pour réduire l’importance des combats.
En l’état je dirais que c’est un bon livre-jeu, mais qu’il ne tient pas toutes ses promesses, et qu’il est bien trop court …
Mais, ce livre fut toutefois très marquant pour moi.
Ce livre, qui m'a été offert lorsque j’avais 10 ou 11 ans, je l’ai adoré. Je me suis fait offrir toute la collection avant de passer aux autres livres-jeux, bien plus fantastiques, en parallèle je me suis également jeté sur les jeux de rôles, qui sont devenus une obsession pour au moins une demi-douzaine d’années. Des jeux de rôles je suis passé à Hero-Quest, et autres jeux de plateaux bien éloignés de la nullité d’un Monopoly. Je suis également passé à Tolkien, Moorcock, Mc Caffrey, Lovecraft et bien d’autres.
Le grand mammouth n’est sans doute pas un chef d’œuvre, mais pour moi il a pavé la voie à une très grosse partie de ce qui fait mes centres d’intérêts depuis. A mes yeux c’est donc un ouvrage fondamental.
Critique tirée de mon blog.