Le jeu de la trame par HorsebackRevenge

On dit souvent que le plus important ce n'est pas la destination, mais le voyage. En effet, quel beau et haletant voyage entrepris par cet antihéros de Keido, ni fort ni courageux, mais dont la fourberie, aidée par la magie des cartes du jeu de la Trame, le sauvera de maintes péripéties. A la fin, de ces 39 cartes de soie distribuées par l'empereur Soga à 39 de ses meilleurs soldats régnant sur les 39 portes de la grande Muraille, Keido n'en aura même pas la moitié... en un peu moins de 600 pages. Comme j'aurais aimé que le voyage perdure même si pour cela je devais lire 600 autre pages... hélas, le pouvoir de la carte du Corbeau, qui permet de faire parler les morts, jouera un sale tour à notre incestueux antihéros : ce n'est autre que l'empereur Soga lui-même qu'il convoque, qui lui indique comment récupérer toutes les cartes en combinant le pouvoir d'une poignée d'entre elles déjà en la possession de Keido. Il lui suggère également d'autres combinaisons pour rejoindre sa sœur, et c'est là que le bât blesse : il n'est pas explicite qu'il l'ai trompé, en insérant dans une combinaison la carte qui rend amnésique ou modifie les souvenirs, mais dans ce cas comment un mort aurait pu accomplir tout ceci ? Il est possible que son double suicidé soit un effet des distorsions de la lumière, et que dans son monde tout se passa comme dit. Ou alors, cette carte l'aura fait devenir fou, le faisant renoncer à une recherche plus approfondie dans le jeu infini de miroirs des mondes entre les Murailles... car si je ne me trompe pas, Keido finit par arriver dans une partie du reflet tellement éloignée que la magie des cartes n'opère plus. Il lui aurait donc fallu rebrousser légèrement chemin et reprendre sa recherche, ou l'abandonner définitivement, avec en sa possession un pouvoir incommensurable. A défaut de la toucher, il aurait pu parler à Kirike, mais s'en serait-il contenté ? Keido semble plus que jamais victime de ses sens. Son amour charnel pour sa sœur n'est déjà pas sain, se pourrait-il que sa véritable condition soit celle de sa fin, celle de l'ermite de la forêt, racontant des histoire incroyables pour ces contrées qui ne connaissent pas la magie ? Malgré toutes ses aventures, Keido n'aura su retrouver la raison et se fixer, ni s'attacher véritablement à autre chose qu'un fantôme. Son personnage est tellement inconsistant qu'on pourrait finalement croire que sa mort ne l'a pas tué. Pourquoi pas.

Toujours est-il que je trouve cette fin ouverte un peu décevante et dérangeante. Peut-être est-ce un pied de nez à la lecture de l'imaginaire, la Fantasy en particulier, car les deux auteurs écrivent aussi de la SF.

En tous les cas j'estime que l'univers de cette histoire n'est qu'à peine effleuré, et que comme le prouvent les annexes de l'intégrale, il y aurait bien d'autres contes à imaginer et raconter que seulement 4 volumes. Sans parler du mystère d'une fin précipitée à mon sens, comme si les auteurs avaient eu peur d'accoucher d'un monstre. (cf. le Trône de Fer)

Absolument prenant de bout en bout en tous les cas.