"Le roi en son moulin" est un roman de terroir de la fameuse "école de Brive". Gilbert Bordes a écrit de nombreux romans dont l'action se déroule en Corrèze ou dans les départements limitrophes. Comme Signol ou Michelet, il s'intéresse à ces gens de la France profonde qui vivent d'un travail dur et dont les joies et l'amour sont contrebalancés par les trahisons, les jalousies et les deuils dans des décors magnifiques au milieu de la nature.
Ici, le héros c'est Jean, un rouquin, issu d'une famille de paysans pauvres, qui revient indemne de la guerre de 14-18, ce qui est rare. C'est une force de la nature mais c'est aussi un être doux. Il ne croit pas à sa chance lorsqu'un meunier lui offre sa fille, Pauline, en mariage pour perpétuer la race. Il la connait depuis longtemps mais elle n'a jamais fait cas de Jean, ce rouquin, laid de surcroît. Elle était promise à Auprestre qui est revenu avec un bras en moins. Pas question de la marier à un infirme qui ne sera pas foutu de faire tourner le moulin. Dès la nuit de noces, Pauline, pleine de dégoût, se refuse à Jean.
Le drame se met en place et le roman décrira la vie difficile de ce couple dans l'environnement du moulin et la lente évolution de leur relation.
Le style de Gilbert Bordes est composé de petites phrases incisives, efficaces et qui piquent la curiosité du lecteur.
Le personnage de Jean est attachant, en amoureux muet et transi, même si on éprouve l'envie de le secouer un peu, histoire de mettre au pas cette Pauline qui n'est qu'une enfant gâtée qui a toujours voulu faire à son idée et qui a tendance à vouloir courir le guilledou.
Le roman parle beaucoup de cette terrible époque à la fin de la guerre qui décima la jeune population des campagnes avec son lot de morts, de blessés, traumatisés ou mutilés.
C'est un beau roman convaincant. A la sortie, on a même l'impression que l'histoire est à peine romancée tant Gilbert Bordes a peu accordé de concessions à ses personnages ...