Beau travail de prise de hauteur sur un sujet "chaud". Cette enquête permet de remettre à sa place le phénomène des viols collectifs, loin du sensationnalisme journalistique, notamment dans sa dimension historique.
On y apprend que les viols collectifs n'ont rien de nouveau et ne sont pas cantonnés aux barres HLM. Des charivaris médiévaux aux blousons noirs en passant par les bizutages étudiants, la pratique n'est pas nouvelle, a longtemps fait partie du paysage social et était même plus ou moins acceptée (il faut bien que jeunesse se fasse). L'auteur reprend par exemple le chiffre de Jacques Rossiaud selon lequel, à la fin du XVème siècle, un jeune dijonnais sur deux a participé à de tels actes.
Mucchielli en explique les causes par la déscolarisation, les problèmes familiaux… rien d'exclusif aux banlieues. Le mouvement "Ni Putes Ni Soumises" en prend pour son grade en ce qu'il a contribué à véhiculer l'image de l'homme arabe violent (sacrifier le beur pour sauver les beurettes) et à légitimer le pouvoir de l'époque (au point que Fadela Amara deviendra ministre sous Sarkozy), mais l'auteur attaque surtout les médias, qui ont fait leurs choux gras de quelques faits divers sordides et sont souvent tombés dans la facilité scénaristique, quitte à ne pas voir les faits qui les contredisaient.
En gros, la thèse de l'auteur est de dire que les viols collectifs ont toujours existé (dans des proportions assez similaires, pour ce que l'on peut comparer, étant donné que ces crimes étaient beaucoup moins dénoncés dans le passé, et encore, on est ici bien avant #MeToo), mais que les médias ont commencé à s'y intéresser dès qu'ils ont eu connaissance de cas impliquant des jeunes issus de l'immigration, ce qui a contribué à stigmatiser cette population (l'auteur revient aussi sur l'image de l'arabe violeur au temps de l'Algérie française pour accréditer sa thèse). La caractéristique principale des violeurs est leur milieu social défavorisé (milieu où les descendants d'immigrés sont sur-représentés, d'où l'amalgame).
L'ensemble est assez bien construit, clair, même si je trouve que les médias ont quand même le dos large. Une autre enquête incluant les autres crimes et délits serait la bienvenue.