Anti-héros de notre époque, Baldo et Philippe sont des gens de petite envergure, élevés dans la misère si ce n'est la médiocrité. Ils mènent une vie sans grande ambition, ils sont conscients de subir cette société plus que d'y participer. Enrôlés dans une organisation regroupant fascistes et racistes de tous poils, ils veulent donner un coup de pied à cette France qu'ils ne reconnaissent plus. Ils sont alors chargés d'incendier les possessions d'un honnête juif, afin que les « mahométans » et les « bougnoules » soient accusés.
De cette histoire qui sent le souffre, Jacques Sarthor ne prend guère de distances, il est au près de ses personnages. Il nous fait partager leur quotidien, leurs amours sincères, leurs doutes, leurs errances. Dans cette société divisée, ses personnages ne sont pas d'une extrême noirceur, il arrive à rendre sympathique ces pauvres types. Ils sont dans l'erreur, mais c'est au lecteur de le comprendre, pour mieux aussi appréhender certains des problèmes de notre société. C'est probablement cette ambiguïté, et le risque qu'il soit accusé de complaisance, qui a décidé l'auteur de prendre un pseudonyme.
Libre donc à chacun dans le jeu des devinettes de deviner qui se cache derrière ce roman. Mais l'écriture, relevée et argotique, donne toute sa saveur ce livre. On y retrouve Frederic Dard, mais dont les personnages seraient passés tout à droite du nuancier politique. C'est dans ce langage fleuri, à l'argot presque poétique, que le livre se montre le plus convaincant. Car Les affreux souffre de sa construction, qui amène trop vite l'enjeu, qui louvoie avec ces passages qui imposent les personnages mais ralentissent l'intrigue avant que celle-ci ne se termine en queue de poisson.
Et peut-être est-ce ainsi qu'il faut appréhender cet ouvrage, qu'il a été écrit par un auteur qui a eu besoin de coucher sur le papier une certaine image d'une partie de la société et de laisser les mots l'emporter. Il a réussi : ses personnages nous sont étrangement sympathiques, et ils ont hélas beaucoup à nous dire sur notre monde actuel.