L’adaptation en nouvelle de l’histoire de Don Juan par notre ami Mérimée qui confime son staut de mi-homme mi-Espagne en s’attardant sur la vie réelle de Don Juan de Maraña, un mec qui ne s’appellait pas Don Juan mais se faisait appeler Don Juan, et qui diffère du mythe de Don Juan popularisé par Molière après avoir été créé par Molina. Le premier nommé changea d’ailleurs de nom en hommage au second, et ce qui a poussé le public à les confondre.

Mi-homme mi-Espagne, donc, mais aussi mi-homme mi-fantastique. Mérimée nous sert encore une fois un plat qu’il se plaît à composer, à base de chevalerie, banditisme, spiritisme et occultisme, le tout chez les Ibères. Mais contrairement à Carmen ou Colomba, aucune femme forte et envoûtante n’est cette fois au rendez-vous.

Le Don Juan de Mérimée est une sombre merde (né dans le luxe, évidemment), ce qui rend par conséquent le récit intéressant à suivre. Se voulant pieux, il se laisse corrompre facilement par un pendard espagnol qui lui fait connaître les joies de la débauche, la délinquance, des estocades et de la sésuction qui mène rapidement à l’échangisme sororel à la mutualité féminine non consentie.

Mérimée sait bien raconter l’action, tous duels à l’épée sont plaisants à lire, il sait y mettre de la tension et du drame tout en soulignant la fourberie des deux forbans, notamment lors de l’assassinnat du père de Doña Fausta.

Comme Don Juan est un con, il va séduire une nonne juste parce qu’il ne lui manquait que cette catégorie à son tableau de chasse, mais au moment où il y parvient, il assiste à son propre enterrement et en ressort tellement troublé qu’il décide de se confesser. Il faut savoir aussi qu’il est hanté par un tableau nommé Le Purgatoire, qui montre les âmes des damnés. Mérimée exploite ce miroir artistique pour y insufler son penchant pour le fantastique et l’ésotérisme. Comme dans la Vénus, c’est un objet d’art mystique qui hante le personnage et le punit de ses crimes.

La rédemption qui fait suite à ce passage marque un tournant dans l’histoire de Don Juan. Celui de Molière ou Mozart mourrait impie, celui de Mérimée suvit en choisissant la vie pieuse, il se retire dans un temple et y mène une vie rigoureusement austère, qu’il s’inflige lui-même à coup de forte discipline. Certains peuvent trouver ce virage exagéré, moi je le trouve logique. Il met la même énergie à faire le bien qu’il la mettait à faire le mal. C’est la vocation qui a changé, la dévotion reste intacte.

Ce qui m’a le plus plu, c’est la fin. Le frère de Doña Fausta et Doña Teresa le retrouve pour venger ses sœurs et son père, ce qui prouve, comme dans Impitoyable par exemple, que le mal causé ne s’efface pas par un comportement irréprochable adopté du jour au lendemain.

Don Juan le tue, ce qui prouve aussi que le mal est toujours en lui malgré son entrée dans les ordres, mais est presque dégoûté d’avoir gagné. Il meurt seul, des années plus tard, sans gloire.

Ma nouvelle préférée de Mérimée, bien supérieure à Colomba ou La Vénus, à mon sens, car nous avons ici affaire à un sombre connard qui s’en sort, ce qui est encore pire que quand il est puni, donc plus marquant.
Les combats à l’épée y sont riches en action grâce à une narration limpide et pertinente, et l’histoire ne faiblit jamais. Et puis le titre, qu’est-ce qu’il est classe !!

Ubuesque_jarapaf
9

Créée

le 4 mai 2023

Critique lue 12 fois

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