« J’ai voulu montrer les résultats de la faiblesse et de la folie - de ce genre de faiblesse et de folie qui est le plus répandu parmi nous. ». Ainsi s’expliquait Anthony Trollope en 1859, dans l’épilogue des « Bertram ». Ce roman grandiose retrace les destins de quatre jeunes gens, tous plus ou moins apparentés à l’oncle Bertram, un vieillard millionnaire. C’est une histoire de famille, d’amour, d’argent et d’ambition. Chacun des protagonistes a sa propre conception du bonheur, mais tous s’en éloignent en commettant des erreurs liées à leurs passions ou à un manque de discernement. Ainsi George Bertram, jeune premier du roman, est victime de son idéalisme et de son amour-propre. C’est aussi par orgueil que Caroline Waddington repousse son fiancé alors qu’il est son unique amour. Pour Henry Harcourt, brillant avocat, la passion dominante est l’ambition, mais son désir de s’élever révélera sa cupidité sans limites. Quant à Arthur Wilkinson, cousin de George, la soumission dont il fait preuve envers sa mère le condamne pour longtemps au célibat. Il va de soi que tous ces personnages sont liés par des relations affectives ou familiales. Autour d’eux gravite une foule de figures secondaires –vieilles filles naïves, militaires désargentés, veuves en quête de mari – qui animent la société provinciale de Littlebath. Mais le roman nous entraîne aussi à Londres et plus loin, jusqu’à Jérusalem et au Caire! Nos héros parviendront-ils à se faire une place au soleil ? A qui profitera le testament de l’oncle Bertram ?
Dans ce roman, très abouti et d’une rare intensité dramatique, Anthony Trollope donne toute la mesure de son talent. On sent que c’est une œuvre de maturité, nourrie des expériences parfois amères de l’auteur. Trollope y partage aussi des impressions de voyage. D’ailleurs il n’hésite pas à interpeller directement le lecteur, à le prendre par la main pour l’emmener à la rencontre de ses personnages. Et ça marche ! Grâce à cette narration toute personnelle, on est captivé de la première à la dernière page ! C'est aussi dû à la trame très resserrée de l’intrigue et à la finesse des analyses psychologiques. Prenons George Bertram senior, cet avare riche comme Crésus. Il semble de prime abord froid et antipathique, mais au fil des pages on découvre qu’il possède une personnalité bien plus complexe, et c’est ce qui lui donne du relief aux yeux du lecteur. Le saviez-vous ? Anthony Trollope est l’un des plus brillants et des plus prolifiques écrivains d’Outre-Manche, à l’égal de Dickens ou des sœurs Brontë. Pourtant son œuvre est bien méconnue en France. Alors lisez ses romans et faites-les partager à vos proches ! Ils en valent très largement la peine. A ce jour, difficile de se procurer "Les Bertram" en français autrement que sur Kindle; mais il est également possible de le lire ou de le faire imprimer sur le site de Gallica.