Messieurs les penseurs de gauche me classeraient surement parmi ces gens qu’ils aiment tant haïr et qu’ils nomment réactionnaires. Odieux personnages nostalgiques d’un passé colonialisto-esclavageo-bourgeois, arborant lunettes rondes avec monture imitation écailles de tortue, cheveux gominés grisonnant et costume bleu marine Louis Vuitton. Au risque d’en décevoir certains, je ne corresponds malheureusement pas à cette description. Il m’arrive même, parfois, après avoir lu libération et écouter une interview de Pierre Bourdieu sur le site de l’INA ou Patrick Cohen sur France Inter (c’est-à-dire dans mes heures de grand égarement), de lire des livres de ces penseurs de gauche. Pis encore, j’en apprécie certain. Mais il existe une chose chez ces penseurs qui m’empêchera toujours de pleinement les apprécier : leur capacité de donner à tous des leçons de morale. Lorsqu’il m’arrive d’écouter le catéchisme de Monsieur Cohen le matin sur France Inter, il me vient toujours à l'esprit une phrase :
« La Résistance m’a en tout cas appris très jeune la défiance vis-à-vis de ceux qui décrètent du bien et du mal à toute heure et en toute occasion, à la seule condition que ce soit les autres qui en supportent les conséquences. »
Cette phrase, d’Hélie de Saint Marc, résonne de façon inquiétante en ces temps où les moralisateurs amoraux envahissent l’espace de la parole publique et ou les médias dégueulent (je n’ai pas trouvé de terme plus élégant pour qualifier ceci) à longueur de journée leur catéchisme bien-pensant.
Hélie de Saint Marc, c’est cette Homme, d’abord résistant, puis détenue dans le camp de Buchenwald par les nazis à la suite d’une trahison dans la résistance. C’est cet Homme qui, après la guerre, a rejoint la légion étrangère pour se battre en Indochine puis en Algérie jusqu’à son séjour en prison suite au Putsch d’Alger. Une vie haute en couleur, grande en désillusions mais aussi en instants de bonheurs et de fraternités. Une vie souvent peu comprise.
En effet, lorsque Robert Ménard a renommé une rue de Bézier au nom de l’ancien officier français, nombreux ont été les inquisiteurs de la bien-pensance à s’offusquer, à y voir un retour aux « heures les plus sombre de notre histoire » (à lire avec la voix chevrotante et pleine de tremolos tragiques). Mais parmi eux, qui a un jour lu « Les champs de braises » ?
Car loin d’être l’immonde personnage que se plaise à nous décrire les « journalistes » de Libération ou du Monde, Hélie de Saint Marc était avant tout un Homme qui a traversé le 20ème siècle et tous ses conflits. C’était un idéaliste qui se battait pour une certaine idée de la France. Un Homme qui n’a jamais renoncé à l’Amour de son pays, à l’Amour qu’il portait à sa femme, à ses compagnons de galère sur le front. Un Homme ramené au rang d’animal par les nazis puis trahit en Indochine et en Algérie. Si ne pas vouloir abandonner les indochinois partisans de la France au massacre par les troupes d’Ho Chi Minh ou les algériens partisans de la France au massacre par les sbires du FLN était un acte « fasciste », alors je l'aurais été. Si aimer son pays et se battre pour les valeurs qu’il défend est un acte « fasciste » alors je le suis.
Par ses souvenirs, de Saint Marc nous offre le point de vu d’un Homme sur ces événements qu’on se plaît tant à observer de loin, souvent de façon manichéenne. Du fonctionnement interne des camps nazis (avec l’instauration d’une hiérarchie entre les prisonniers) aux horreurs du FLN en passant par celles du Vietminh, De Saint Marc nous fournit un regard différent sur l’Histoire. Le regard des vaincus de celle-ci. Une mémoire ardente toujours accompagnée de cet Amour pour la France (et pour l’Indochine). Cet Amour qui manque aujourd’hui, en cette période où l’on se plaît tant à dénigré notre pays et à s’auto flagellé vis-à-vis de notre Histoire. Mais comment peut-on avancer, recréé du « vivre ensemble », selon l'expression désormais consacrée, si nous n’aimons pas notre pays ? Loin de tout nationalisme, qui est la haine de tous, il me semble aujourd’hui nécessaire de retrouver une fibre patriotique, c’est-à-dire d’aimer de nouveau notre pays. Notre Histoire ne fut pas toujours reluisante, certes, mais nous avons aussi mille raisons d’en être fière. C’est ce que nous montre de Saint Marc avec ce livre. Malgré les désillusions, il n’a jamais perdu foi en la France, il n’a jamais cessé de l’aimer.
J’invite donc chacun à lire ce livre formidable ou se mêle épopée historique, histoire personnel et réflexions philosophiques. Un livre profondément humain. Et si être humain est « réactionnaire », alors, oui, je le suis et le serai toujours.