La France du début des années 90. Virgil le moldave, Assan le somalien et Chanchal le bangladais viennent d’y débarquer. Après un périple infernal en camion, en bateau ou à pied, après avoir fui la guerre ou la misère, après avoir bravé le froid, la faim, la soif, après avoir subi de terribles sévices physiques et psychologiques et après s’être ruinés ou endettés à un point inimaginable, ils sont enfin arrivés à bon port.


Leur pays d’accueil n’est pas pour autant l’eldorado espéré. Sans papiers et sans soutien, ils doivent se débrouiller seuls avec des marchands de sommeil et des esclavagistes des temps modernes tirant profit de leur situation précaire. Le croisement de leurs trois destins se déploie au fil d’un texte débordant d’humanité. Le récit ne cache rien du parcours terrible et des difficultés rencontrées par ces échoués, « étrangers et anonymes, sans millésime ni origine, telle une bouteille à l’étiquette arrachée ». Des hommes transparents, obligés de vivre loin des lumières, à la marge, sans protection. Reporter de guerre connaissant parfaitement son sujet, Pascal Manoukian n’abrutit pas le lecteur sous les données statistiques. Le prisme de la fiction lui permet de distiller des informations documentées et ultraréalistes sur le drame des sans papiers en gardant à distance la froideur clinique de chiffres abstraits.


Virgil, Assan et Chanchal vont se serrer les coudes, partager ensemble les drames, les petites joies et les grandes souffrances du quotidien. Derrière le masque anonyme du clandestin bat le cœur d’un homme comme les autres, une évidence qu’il est parfois bon de rappeler.


Un premier roman malheureusement d'actualité. L’alternance entre les scènes d’une épouvantable dureté et les moments de grâce donne au propos une ampleur et un souffle inattendus. L’empathie pour les personnages coule naturellement au fil des pages de cette ode à l’altruisme où, dans les dernières lignes, l’idée de sacrifice prend son sens le plus absolu. Bouleversant et indispensable à l’heure où le désespoir pousse des milliers de clandestins à prendre tous les risques, quitte à mourir noyé après un naufrage en méditerranée ou étouffé dans la remorque d'un camion abandonné sur l'autoroute. Parce que ce qu'il y a de pire chez nous sera toujours mieux que ce qu'il y a de meilleur chez eux...

jerome60
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le 29 août 2015

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