« Le contraire de disparaître. Revenir, quoi. »
C’est le titre qui le dit : les fuyants, ce sont ces hommes lâches qui fuient leurs responsabilités, comme élever un môme et être avec son épouse. Fuir de toutes les manières : après le premier rendez-vous (c’est quand même le mieux), après le premier môme, ou carrément, se suicider, qu’on en parle plus.
Sur ce thème assez commun, on rencontre plusieurs membres d’une même famille. Il y a Joseph, le môme en question, un ado geek renfermé, que sa mère a bien du mal à décrypter. Elle ne sait pas vraiment ce qu’il trafique sur son ordi, ce n’est pas qu’un geek, hein, mais ça, sa mère ne le sait pas encore. C’est le cliché de l’ado rebelle, sauf qu’il écoute Lady Gaga et aime lire Boulgakov et part sur les traces de son père disparu. Lui, il va au devant des réponses, mais ce qu’il fuit, c’est davantage son identité.
Il y a son oncle, Simon, trentenaire mais éternel étudiant dans la manière de vivre. Il sort avec des filles jolies et intelligentes, mais il recule au moindre engagement amoureux. Et même les engagements familiaux, car Simon ne veut pas s’enfermer dans les conventions sociales, devenir sédentaire et responsable d’une famille.
Il y a aussi le grand-père, Jacob qui, lit, a franchement fui sa vie de famille plus de trente ans auparavant. Mais voilà, comme rien n’est jamais trop tard selon lui, il voudrait revoir son fils qu’il a abandonné, suivre les match de foot avec lui, « acheter des chaussures à ses petits-enfants, ou des vélos, ou des jouets » ; bref, retrouver sa place dans la famille qu’il a quittée.
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On pourrait qualifier Les Fuyants de roman sur l’impossibilité de communiquer avec l’autre, d’assumer ses propres désirs face à une société qui dicte des normes sociales. Mais ce serait intellectualiser ce très court roman qui se veut vivant, drôle et percutant quand même, qui veut porter un regard à la fois tendre et critique sur ces hommes de plusieurs générations.
Sauf que, en voulant faire dans le court et le drôle, comme dans une nouvelle, Arnaud Dudek vire à la caricature des personnages, avec des accumulations de détails parfois lourds. Elle existe dans la vraie vie, mais quand presque tous les personnages font cliché, principaux ou figurants, il y a quelque chose qui cloche. Or, là, on aurait demandé plus de descriptions pour entrer dans la pensée des personnages : pourquoi fuient-ils ? de quelle autre vie rêvent-ils ? Le titre, qui d’ailleurs a quelque chose de dramatique, semble un prétexte pour raconter l’histoire de ces hommes.
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Pourtant, Arnaud Dudek a un potentiel en matière d’humour. Il fait aussi de chouettes transitions entre les chapitres, qui permettent de glisser d’un personnage à l’autre. Il sait aussi écrire un roman dans l’ère du temps, avec un langage percutant, moderne, parfois en verlant (thunes, daronne, vénère, manger sa race, truc de malade) qui donne du naturel mais renforce l’impression de caricature.
Le point fort de ce roman, c’est que c’est une tranche de vie, pas une histoire avec un début et une fin. Arnaud Dudek a vaincu l’idée qui veut qu’un roman se termine avec des réponses et un happy end. Et en faisant léger, il permet d'éviter la morale qui aurait exigé comme un retour de bâton, une punition à la fuite ; par exemple, il n’incrimine pas Simon qui ne veut pas se lancer dans une vie maritale.
Mais tout ceci ne compense pas l’impression caricaturale des personnages, dans la manière de les esquisser. Moins de 130 pages, c’est définitivement trop court pour plonger dans les pensées de quatre personnages très différents. Les nouvelles d'Arnaud Dudek doivent être pas mal, pour le coup.
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